Outre-mer - Manœuvres en mer Rouge - Les écarts de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) et le rapprochement tchado-libyen
Aux deux extrémités de la mer Rouge se déroulent des événements que l’on peut considérer comme symétriques. Dans le nord, Égypte et Israël, à l’ombre des États-Unis, se livrent à un jeu diplomatique subtil, sous le regard attentif ou réprobateur des pays du « Front de refus » soutenus par l’URSS. Dans le sud, à proximité du détroit de Bab-el-Mandeb, porte de l’océan Indien, les Soviétiques sont directement mêlés à l’affrontement armé somalo-éthiopien qu’ils n’ont pu éviter malgré l’influence qu’ils exerçaient, avant le conflit, sur les deux adversaires ; les États-Unis se profilent derrière les pays arabes « modérés » qui soutiennent la Somalie et les maquis érythréens contre l’Éthiopie révolutionnaire. D’un côté, on cherche, par la diplomatie, à rétablir les conditions de la paix dans un secteur où Washington a pu consolider sa position ; de l’autre, on veut restaurer par la force la « pax sovietica » que Moscou espérait maintenir dans la corne orientale de l’Afrique avant l’offensive de la Somalie sur l’Ogaden éthiopien. De part et d’autre, la pénétration des deux « grands » peut être entravée par les interventions des États voisins : les pays du « Front de refus », en appuyant les thèses des extrémistes palestiniens, limitent les concessions que l’Égypte est en mesure d’accorder à un Israël soucieux de sa sécurité : l’Arabie saoudite, ses alliés des Émirats, le Soudan, voire l’Égypte et l’Iran, continuent à exalter l’esprit d’indépendance de la Somalie et de l’Érythrée afin d’éviter que ces pays ne tombent sous une emprise idéologique qui leur serait hostile.
Une donnée propre à l’équilibre particulier de la mer Rouge viendra peut-être contrarier les jeux américain et soviétique en bouleversant les alliances qui se sont nouées par affinités idéologiques. En tant que pays riverain, Israël doit veiller à ce que la liberté de navigation dans cette mer reste assurée ; pour cela elle s’intéresse davantage au détroit de Bab-el-Mandeb qu’au canal de Suez puisqu’en Méditerranée elle possède un port lui donnant accès à une mer libre ; en revanche, le trafic d’Eilat, situé au fond du golfe d’Akaba, peut être perturbé soit au niveau du détroit de Tiran, soit à celui de Bab-el-Mandeb. Dans le premier cas, les forces armées israéliennes sont capables d’intervenir vite et fort comme elles le firent en 1967 ; dans le second, Israël peut seulement éviter, en menant une action préventive, que le contrôle du détroit ne tombe entre les mains de ses adversaires. Le passage étant bordé par les deux Yémen, le territoire de Djibouti et l’Érythrée, il est naturel que les Israéliens s’intéressent à ce dernier pays qui, s’il demeure sous la dépendance de l’Éthiopie, restera avec Israël le seul État à direction non musulmane de la mer Rouge. Jusqu’en 1972, les Israéliens avaient coopéré intimement avec l’armée éthiopienne ; leurs conseillers militaires avaient même participé à la lutte contre les rebelles érythréens.
Sous diverses influences, notamment celle de l’Arabie saoudite qui avait su différencier ses objectifs de ceux des « progressistes », l’empereur s’était rapproché des pays arabes, espérant obtenir leur soutien pour régler le problème érythréen par un retour à un régime fédéral. Le clergé et l’armée n’avaient pas approuvé cette politique ; leur attitude a favorisé sans doute le succès du coup d’État. De crise en crise, le régime militaire s’est radicalisé et a éliminé les partisans d’un assouplissement de la centralisation. Devenu le maître absolu, bien qu’il soit toujours contraint de régner par la terreur, le lieutenant-colonel Mangistu entend poursuivre le combat avec l’appui des Soviétiques et des Cubains jusqu’à la reddition inconditionnelle des rebelles. De son côté, Israël ne craint pas d’apporter son aide en matériels à un gouvernement dont l’orientation idéologique et les alliances le rangent parmi ses adversaires.
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