Défense à travers la presse
Commençons par un sujet qui a agité une certaine partie de notre classe politique et suscité dans quelques capitales d’hypocrites mouvements d’indignation : la justification de notre intervention au Shaba. Était-elle illégale comme d’aucuns se sont plu à le soutenir ? On souhaitait être éclairé ; or, Jacques Huntzinger, professeur à l’université de Besançon, a répondu à notre attente dans Le Monde du 13 juin. Après avoir rappelé que le droit international, tout en condamnant le recours à la force a prévu les situations qui le justifiaient.
Jacques Huntziger met en lumière ce qu’avait de spécifique notre intervention : « L’action du 2e REP (Régiment étranger de parachutistes) a été justifiée par la nécessité de sauver les vies de plusieurs milliers de citoyens européens, dont des Français, physiquement menacés par les troupes katangaises. C’est une hypothèse distincte de la légitime défense collective, car c’est faire appel à une institution traditionnelle du droit des gens, l’intervention d’humanité… Lorsqu’il existe une menace grave et imminente pour la sécurité de nationaux sur un territoire étranger et qu’il y a carence des autorités locales, l’État a la possibilité d’agir pour protéger ses citoyens à condition que l’intervention se limite à cet objet précis. L’intervention d’humanité ressort de la protection des droits de la personne et non pas de la défense d’un État ou d’un gouvernement… Un autre problème juridique est soulevé par cette affaire : dans quelle mesure le gouvernement français est-il constitutionnellement autorisé à engager des forces armées sur des théâtres extérieurs sans l’accord du Parlement ? S’il s’agit de faire la guerre à un autre État, l’article 35 de la Constitution oblige les gouvernements à demander l’autorisation parlementaire : cette autorisation est nécessaire, qu’il y ait déclaration de guerre ou pas. Mais l’assistance militaire sur appel d’un gouvernement étranger ou l’intervention d’humanité sont-elles des guerres au sens de l’article 35 ? Formellement non. Les règles constitutionnelles laisseraient-elles alors entière liberté de décision à l’exécutif dans toutes les autres hypothèses que la guerre classique, c’est-à-dire les actions limitées, les interventions ou les blocus qui, à l’heure actuelle, sont bien plus probables que la guerre ? Certes, dans plusieurs cas le gouvernement ne fait que mettre en œuvre des engagements internationaux prévus par des traités de défense ou d’assistance (Djibouti, Tchad) et ces derniers ont été débattus et ratifiés par le Parlement. Mais, encore une fois, un gouvernement peut intervenir sans s’être auparavant engagé formellement à le faire et, dans ces conditions, le contrôle sur l’exécutif sera inexistant ».
L’intervention d’humanité fait précisément partie de ces cas marginaux. L’exposé de Jacques Huntzinger tranche donc le débat. Ce qui n’empêche pas l’auteur de souhaiter en France une législation restrictive comparable au War Powers Bill qui limite aux États-Unis l’autonomie de décision du président.
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