Après avoir réuni la semaine précédente un conseil restreint auquel participaient le Premier ministre, le ministre de la Défense, le chef d’état-major des armées et celui de la marine, le Président de la République a approuvé, le 25 septembre dernier, la décision de principe de lancer en 1979 la construction d’un sixième Sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE). Ce bâtiment s’appellera L’Inflexible comme le sous-marin dont la construction commencée en 1974 avait été arrêtée en décembre 1975 – sans que celle-ci soit d’ailleurs très avancée – à la fois pour des raisons financières et techniques. Ce SNLE dont l’achèvement était prévu pour 1982 aurait été doté comme ses prédécesseurs du missile M20 (portée : 3 000 km – charge militaire « dopée » de 500 KT) alors que les études en cours permettaient d’envisager la mise en service en 1985 d’un engin, le M4 aux performances très supérieures. L’abandon de ce SNLE avait, on s’en souvient, créé une vive émotion au sein du parlement, et la décision du gouvernement avait été vivement critiquée, notamment lors de la session parlementaire de l’automne 1977.

Selon la présidence de la République, la construction de L’Inflexible, dont le coût total est estimé à 2 milliards de francs étalés sur plusieurs années, devra être menée à bien sans que, dans le cadre du plan militaire 1977-1982 approuvé par le Parlement en 1976, les programmes déjà décidés pour les armées soient remis en cause. Lors d’une conférence de presse donnée ce même 25 septembre par le ministre de la Défense, M. Yvon Bourges a pu préciser que 220 millions de francs d’Autorisations de programme (AP) et 100 MF de crédits de paiement (CP) sont prévus au budget de 1979 pour L’Inflexible et son système d’armes. En fait, ce SNLE sera, au point de vue de ses lignes générales, très semblable aux cinq unités type Le Redoutable mais il profitera des progrès techniques et technologiques accomplis depuis la conception de ce dernier sous-marin. L’Inflexible bénéficiera, selon M. Yvon Bourges, d’un système de navigation nouveau, nettement plus précis que celui de ses prédécesseurs, grâce notamment à une centrale inertielle nouvelle et à des appareils de visée et de recalage d’une conception totalement différente. Le système de détection sous-marine sera supérieur à celui existant sur les SNLE actuels. Les transmissions et les conditions de vie à bord seront améliorées par rapport à celles des Redoutable. Mais l’élément le plus important est sans aucun doute l’adoption sur L’Inflexible du système M4. Ce nouveau missile à trois étages aura une portée très largement supérieure à celle du M20 – le chiffre de 4 000 km a été avancé sans qu’il soit officiel – et il sera doté de têtes multiples du type MRV (Multiple Reentry Vehicule) a précisé le ministre en réponse à une question, c’est-à-dire qu’elles seront lancées en grappe. Ces têtes – au nombre de 6 ou 7 – auraient une puissance de l’ordre de 150 KT chacune, une très grande précision et une capacité de pénétration supérieure grâce au durcissement et aux contre-mesures électroniques améliorées par rapport à celles du M20. Le système de lancement sera différent : le tir sera plus rapide, plus discret et le M4 pourra être lancé à une immersion plus grande du sous-marin. L’Inflexible sera construit à un rythme tel que son entrée en service devra coïncider avec la livraison du premier lot de M4, c’est-à-dire aux alentours de 1985.

Les SNLE précédents, sauf Le Redoutable, bénéficieront à tour de rôle de la modernisation en M4 à partir de 1985.