Afrique - Algérie : expectative ou continuité ? - La coopération franco-africaine fait le point à Kigali (Rwanda)
Il se passe actuellement en Afrique des événements dont il est difficile de mesurer l’importance. Certains se placent dans le sillon d’une évolution prévisible : d’autres sont provoqués par les réactions inattendues d’un chef d’État dont on ne connaît ni les mobiles ni les amitiés réelles : ces interventions faussent évidemment l’analyse que l’on peut faire d’une situation en partant des données fondamentales et rendent tout pronostic délicat à formuler. La réconciliation des présidents Neto (Angola) et Mobutu (Zaïre –actuelle République démocratique du Congo), l’un désirant maintenir la présence angolaise au Cabinda et l’autre assurer la sécurité du Shaba, se comprend : on peut même dire qu’elle rend possible un rapprochement de l’Angola avec le monde occidental, sinon le départ des Cubains, et, peut-être même qu’elle dégage une perspective de solution du problème namibien, si Luanda est en mesure de limiter les prétentions de la SWAPO (South-West Africa’s People Organisation). De même, les accords conclus par le gouvernement du Mozambique et celui d’Afrique du Sud, pour accroître la capacité des chemins de fer et du port de Maputo et les ouvrir davantage au trafic du Transvaal que l’on voudrait porter de 15 000 à 35 000 tonnes par jour, apparaissent réalistes quand on sait que l’équilibre économique de l’ancienne colonie portugaise dépend pour 80 % du bon fonctionnement des transits ferroviaires et portuaires. Cette donnée fondamentale justifie l’attitude du président Samora Machel (Mozambique) bien qu’il paraisse ainsi abandonner le Front patriotique du Zimbabwe, dont il a recueilli les forces, aux représailles de l’armée rhodésienne, qui tient son efficacité de l’aide matérielle fournie par Pretoria. En revanche, l’intervention de la Libye en Ouganda, au Tchad et les bons offices que son gouvernement propose pour régler le problème du Sahara occidental paraissent relever d’une décision plus difficile à interpréter.
En Ouganda, l’expédition libyenne improvisée qui vola au secours du maréchal-président pouvait à la rigueur se justifier par la volonté de maintenir, dans ce pays, une direction musulmane qui en favorisait l’islamisation grâce aux largesses de quelques pays arabes : une attaque d’opposants, en général chrétiens, soutenue par le président tanzanien qui, dans le passé, avait toujours témoigné de la méfiance à l’égard des visées panarabiques camouflées derrière toute expansion de l’Islam en milieu africain, pouvait être jugée comme une provocation délibérée par un homme qui se veut le propagandiste d’une religion purifiée. Si Idi Amin Dada donnait, selon la plupart des chefs d’État africains, une image déformée de leur propre pouvoir, il avait un impact sur les masses qui devait plaire au colonel Kadhafi : celui-ci ne prétend-il pas que les peuples auront toujours raison de leurs gouvernants ? En revanche, l’intervention des troupes libyennes dans le Nord du Tchad ne peut que desservir l’action de M. Goukouni à la tête du gouvernement provisoire de N’Djamena, bien que la présence du Toubou dans la capitale tchadienne fût considérée comme une victoire de l’Islam. De même, les indiscrétions commises par Tripoli sur des négociations secrètes qui pourraient conduire à la remise au Polisario de l’ancien Rio Del Oro, devenu partie intégrante de la Mauritanie depuis l’accord de partition du Sahara occidental, viennent déranger les pays qui sont à la recherche d’une solution globale. Dans l’un et l’autre cas, il semble que le colonel Kadhafi, profitant des tâtonnements de la nouvelle diplomatie algérienne, cherche à mieux placer les éléments qui lui sont favorables : une partie du clan toubou contre le Frolinat (Front de libération nationale du Tchad) soutenu par Alger au Tchad, une fraction du Polisario contre la direction algérienne de ce mouvement au Sahara. Il vise peut-être aussi à orienter indirectement la politique algérienne qui, dans l’impasse, serait amenée, devant ses succès, à le considérer moins comme un concurrent que comme un guide.
Dans cette partie de l’Afrique et même dans l’ensemble du continent, on mesure mieux aujourd’hui l’influence dont a pu bénéficier l’Algérie sous la direction du président Boumediene. Universellement reconnue en 1973, cette influence s’est exercée, depuis la partition du Sahara occidental, de manière plus sélective afin de dresser, contre les prétentions marocaines, les pays africains qui avaient fait le choix de construire une société socialiste autour d’un capitalisme d’État. En réalité, cette action extérieure était dominée par les exigences de la politique intérieure, plus particulièrement par la nécessité de réparer, en acquérant une position internationale incontestée, les erreurs de son orientation économique. Quelle qu’en fût l’origine, l’influence algérienne était encore solide à la mort du président Boumediene, malgré des succès non négligeables de la diplomatie marocaine.
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