L’année 1979 s’est achevée sur la décision du conseil de l’Otan de moderniser les forces nucléaires déployées en Europe occidentale. La question était d’importance et elle a donné lieu à un vaste débat qui a largement débordé le cercle des experts. Les arguments les plus divers ont été avancés à cette occasion et le ton fut souvent assez passionné pour autoriser Le Quotidien de Paris (12 décembre) à parler de « la grande bataille des euromissiles ».

Nouveau bond dans la course aux armements pour les uns, rééquilibrage des forces occidentales par rapport à celles du Pacte de Varsovie pour les autres, cette décision n’a pas suscité qu’une controverse de stratèges : elle a ouvert la porte à bien des hypothèses de nature politique tant il apparut difficile de cerner exactement l’objectif visé. Si la doctrine de la dissuasion comporte bien des facteurs d’incertitude dont elle tire du reste parti, le déploiement des euromissiles s’entoure de bien des ambiguïtés, à commencer par celles concernant les intentions réelles des États-Unis. Sans aller jusqu’à affirmer, comme on l’a fait, que pour protéger leurs buildings de New York les Américains sacrifiaient la civilisation millénaire de l’Europe. Paul Meunier, dans La Croix du 14 décembre, s’interroge sur les risques inhérents au plan américain :

« Si les Européens peuvent penser que la flexibilité qu’il introduit dans le système de défense atlantique représente un atout supplémentaire pour la sécurité européenne, alors même que le parapluie intercontinental américain se faisait moins sûr, et si ce plan peut constituer un premier pas vers une conception plus spécifique de la défense européenne, force est de constater que les nouveaux missiles seront placés sous simple clé, c’est-à-dire sous contrôle exclusif des Américains. D’autre part, la création d’un organe spécial au sein de l’Alliance apparaît davantage comme un moyen de renforcer la main américaine dans ses négociations avec Moscou que comme une véritable association aux pourparlers Est-Ouest de contrôle des armements. »