Afrique - L'Algérie, un an après l'élection du président Chadli Bendjedid - Rhodésie-Zimbabwe, Rhodésie ou Zimbabwe tout court ?
Il y a un an, fin janvier 1979, prenait fin en Algérie le quatrième congrès du FLN (Front libération national) avec l’élection du colonel Chadli Bendjedid au poste de secrétaire général. Une semaine plus tard, le 7 février, le suffrage universel en faisait le troisième président du pays. Ainsi s’achevait une longue période d’incertitude, ouverte à l’automne précédent avec la maladie du colonel Boumédiène et sa disparition le 27 décembre. Pouvait-on pour autant préjuger la politique qu’allait suivre le nouveau chef de l’État ? Les pronostics auxquels avait donné lieu la succession du colonel Boumédiène avaient été déjoués : ceux-là mêmes qui les énoncèrent en vinrent à prévoir une présidence de transition avec l’espoir d’une libéralisation rapide du régime. Il est vrai qu’après bien des années d’efforts l’Algérie disposait d’une Charte nationale, d’une constitution, mais que dans le secteur économique l’industrialisation massive s’était faite au détriment de l’agriculture et de services sociaux aussi impératifs que l’habitation ou l’approvisionnement en eau des grandes villes. À cela venait s’ajouter une bureaucratie tatillonne, soucieuse de ne pas aborder les questions brûlantes et cernant de moins en moins les réalités du pays. Un tel constat amenait certains à prévoir ou à prôner une remise en cause des grandes options du régime. L’Algérie était arrivée à un tournant, les circonstances politiques semblaient favoriser un virage et nombreux furent ceux qui attendaient un changement fondamental. L’attitude adoptée par le président Chadli Bendjedid fut moins tranchée et l’évolution qu’il amorça fut beaucoup plus subtile.
Remettre en ordre l’économie algérienne supposait impérativement la consolidation de l’édifice constitutionnel et la mise au net d’un bilan sans complaisance. Dans cette perspective on peut dire que l’année 1979 aura été en Algérie l’année du FLN. Il y a d’abord eu ce quatrième congrès qui fut un facteur de renouveau du parti avec l’élection d’un secrétaire général, puis la mise en place de structures permanentes : un bureau politique et un comité central doté de 12 commissions permanentes et de deux conseils supérieurs. Le comité central tiendra du reste sa première réunion début mars et adoptera à cette occasion les règlements intérieurs du parti. Ainsi charpenté, le FLN était en mesure de tenir le rôle qui lui revient et on verra qu’à la fin de l’année 1979 il aura l’occasion d’imposer son autorité. Mais si le parti disposait ainsi des outils nécessaires à accomplir sa tâche, à la tête de l’État subsistaient des lacunes qu’il fallait combler. L’Algérie voulait prévenir le retour d’une situation aussi ambiguë que celle qui avait prévalu lors de la maladie du président Boumédiène. C’est pourquoi l’Assemblée populaire nationale, lors de sa session de printemps, adopta les amendements indispensables au bon fonctionnement des institutions. D’abord en alignant la durée du mandat présidentiel sur celui du secrétaire général du FLN, c’est-à-dire 5 ans, et en offrant la possibilité au chef de l’État de nommer un ou plusieurs vice-présidents, le gouvernement étant désormais sous contrôle d’un Premier ministre chargé de la coordination des activités ministérielles. Enfin le cas d’empêchement du président de la République était envisagé et réglé afin de supprimer l’incertitude qui avait entouré la maladie du colonel Boumédiène. Fin juin 1979 toutes ces réformes étaient adoptées. Le pays disposait désormais d’un appareil constitutionnel approprié, 1979 a parachevé ce qui avait été commencé en 1976 avec le vote de la Constitution.
Simultanément on dressait dans tout le pays le bilan dans les domaines économiques et le secteur social. L’été a donné lieu à des manifestations témoignant de l’impatience de la population, sans doute lasse d’une bataille pour la production qu’elle jugeait entravée par trop de fautes de gestion : grève des transports publics, protestation des écoliers contre les difficultés d’acheminement, grèves des étudiants exigeant l’arabisation de l’enseignement… Qui peut dire si ces mouvements d’importance diverse donnaient une dimension exagérée aux difficultés qui subsistent et que nul ne cherche à nier ? Toujours est-il qu’au cours de l’été 1979, alors que les responsables politiques cherchaient à établir la fiche des besoins du pays, on a vu ainsi s’élever dans la rue les cris de ceux qui pensaient que le moment était venu d’une amélioration. La presse algérienne a cherché à minimiser ces mouvements qui échappaient aux organisations en place. Pouvait-on les négliger pour autant ? Même s’il s’agissait de mouvements d’humeur, étaient-ils pour autant privés de sens ? Le moins qu’on puisse en dire est qu’ils dérangeaient la routine dans laquelle s’enlisait parfois l’Algérie. Or on approchait des élections pour le renouvellement des assemblées populaires de communes et de willayas. Deux scrutins inscrits au calendrier du mois de décembre, deux scrutins qui devaient permettre au FLN restructuré d’affirmer son emprise sur la vie publique. Le cas des assemblées en question était particulièrement litigieux : le coordonnaient du FLN, M. Salah Yahiaoui, n’avait pas dissimulé que « dans la plupart des cas ces organismes n’avaient pas joué leur véritable rôle ». Au moment où le pays dressait l’inventaire de son appareil de production, faisait le bilan de sa gestion financière, révisait son armature constitutionnelle et désirait assainir ses circuits économiques, une telle accusation apparaissait sans appel. Il ne pouvait être question de mettre en cause l’édifice lentement élaboré : d’ailleurs, pour le président Chadli Bendjedid, la pierre angulaire de cet édifice devait être le choix des hommes. L’intégrité des sortants était moins mise à l’index que leur incompétence ou leur manque de dévouement. Dans cette atmosphère, il devenait évident que les deux élections du mois de décembre allaient être significatives.
Il reste 74 % de l'article à lire
Plan de l'article