Afrique - La Côte d'Ivoire donne le relai aux jeunes mais le président Houphouet-Boigny cumule désormais la direction de l'État et du Parti - Zimbabwe : une périlleuse évolution pragmatique
Vingt ans après l’accession de la Côte d’Ivoire à l’indépendance, c’est un virage assez surprenant que le président Houphouët-Boigny vient d’imprimer à la vie politique de son pays. Nous en avions annoncé les prémices dans le numéro d’août de la revue. Depuis lors le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) s’est réuni en congrès et on connaît mieux les intentions du chef de l’État. Dans un très long discours il a dressé un bilan comparé de l’économie ivoirienne entre 1960 et 1979. Puis il en vint à ce que tout le monde attendait : l’énoncé des griefs contre le personnel politique. Le Président porta le fer dans la plaie sans ménagements : dénonciation de tous ceux qui ont spéculé sur les ambitions de prétendus barons, de ceux qui se sont considérés comme les élus du Président au point d’en oublier de rendre compte de leur mandat à leurs véritables électeurs. C’est pourquoi ce congrès a reconnu le droit aux militants de choisir librement leurs candidats, et cela à tous les niveaux. Jusqu’à présent toute candidature devait porter le sceau du parti. Il n’en sera plus ainsi, et c’est une libéralisation incontestable de la politique. Début août des élections faites sur ces bases aux comités de village du PDCI ont entraîné l’élimination de près de 60 % des sortants. Peut-être en ira-t-il de même aux élections législatives qui doivent se dérouler fin octobre ou début novembre, c’est-à-dire séparément de l’élection présidentielle qui a eu lieu le 12 octobre.
Le président Houphouët-Boigny souhaite un tel renouvellement du personnel politique. C’est la raison pour laquelle il a lancé un vibrant appel à la jeunesse pour qu’elle ne manque pas le rendez-vous de l’an 2000. Elle doit constituer le fer de lance de la lutte pour l’indépendance économique, et doit être associée aux décisions qui engagent l’avenir du pays. Mais le « Vieux », comme on l’appelle affectueusement en Côte d’Ivoire, ne veut plus que l’ardeur des militants se perde dans le marécage des intérêts personnels. En conséquence il a pris l’initiative de restructurer le PDCI. Le nombre des membres du bureau politique passe de 70 à 32. Il en va de même pour le comité directeur qui est amputé de la moitié de ses membres (100 au lieu de 201). En outre le Président a pris l’initiative de créer un comité exécutif de neuf personnalités chargées de l’assister dans la direction du parti. Le PDCI n’est plus sous la houlette d’un secrétaire général : c’est le chef de l’État lui-même qui devient le président de plein exercice du parti. Auparavant le secrétariat général était tenu par M. Philippe Yacé en qui les observateurs voyaient le dauphin. La réforme entreprise met fin à cette personnalisation de la vie du parti. Pour passer le relais à la jeunesse, le président Houphouët-Boigny prend directement la barre du parti. Il n’est donc plus seulement le président auréolé du prestige d’un passé incomparable, il est dorénavant le chef incontesté du PDCI, son chef unique. Ainsi met-il un terme à l’existence des « apparatchiks » à un moment où chacun supputait l’avenir en fonction du problème de la succession.
Ce problème, manifestement, n’est plus de mise. Certes le Président ivoirien ne craint pas de l’aborder. En Afrique on ne fait pas parler les morts, précise-t-il, et il reviendra au PDCI rénové, rajeuni, de désigner, le moment venu, le meilleur candidat à la présidence. Pour l’instant la tâche primordiale reste celle de l’insertion des jeunes, ceux qui avaient 15 ans au moment de l’indépendance, dans la vie politique et les organismes dirigeants du pays. Ils se heurtaient jusqu’à présent à la mainmise des anciens sur le parti. Ces temps-là sont révolus. Il n’est cependant pas question d’en arriver au multipartisme. Le président Houphouët-Boigny a été très ferme à ce sujet : le sentiment national en Afrique n’est pas encore assez développé. Le risque subsiste toujours de voir renaître les querelles tribales ou ethniques. C’est donc au parti d’être le creuset de l’unité nationale. Le chef de l’État ivoirien a même été plus loin. Ceux qui tentent en Afrique d’instaurer la pluralité des partis échoueront. Il l’a nettement affirmé lors de sa conférence de presse. Faut-il y voir une mise en garde lancée au Sénégal qui s’oriente précisément dans cette voie et qui est au demeurant le seul pays d’Afrique noire à le faire ?
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