Afrique - Ouganda : une élection pour rien ? - Sénégal : avec le départ du président Senghor, M. Abdou Diouf devient le chef d'État dans des conditions particulièrement difficiles
Le 10 décembre 1980, des électeurs qui, pour la plupart, n’avaient jamais voté puisque depuis 18 ans aucun scrutin ne s’était déroulé en Ouganda, ont élu leur Assemblée législative et désigné ainsi de manière indirecte un nouveau chef d’État, mettant un terme à un curieux régime de transition. Peut-on en conclure que le pays ait retrouvé la stabilité ? Les circonstances qui ont précédé le vote, l’insécurité que continuent à connaître les provinces périphériques, des difficultés économiques difficilement surmontables par un gouvernement dont la légitimité reste contestée par une fraction importante de la population et dont l’audience ne peut aller qu’en s’amenuisant, ne permettent pas de répondre par l’affirmative.
En avril 1979, le Front national de libération de l’Ouganda (FNLO), avec l’appui indispensable de l’armée tanzanienne, renverse, après de durs combats, le régime d’Idi Amin Dada qui se réfugie en Libye. Le Front regroupe tous les adversaires du maréchal, notamment les partisans de l’ancien président Milton Obote que protège M. Nyerere, le chef de l’État tanzanien, et les Bougandais qui, ethnie la plus homogène du pays, reprochent toujours à M. Obote d’avoir éliminé leur roi en 1966. On installe donc au pouvoir une personnalité neutre, M. Yusuf Lule, un universitaire trop occidentalisé et trop isolé pour se trouver en mesure de résister aux pressions conjuguées de l’armée tanzanienne et du congrès du peuple ougandais (UPC), seule formation qui eut la possibilité de s’organiser en Tanzanie pendant l’exil de M. Obote. Au bout de 68 jours, M. Lule est écarté de ses fonctions par une décision du Conseil consultatif national, sorte de parlement désigné par le FNLO. Cette mesure sera jugée inconstitutionnelle, le 21 octobre 1980, par la cour d’appel de Kampala ; M. Lule n’en reste pas moins en exil à Londres car, entre-temps, son successeur, M. Binaïssa a été renversé lui-même par un putsch de l’armée parce qu’il avait voulu éloigner le brigadier David Ojock, chef d’état-major, en le nommant ambassadeur à Alger. Cet officier, auteur du raid qui avait tenté de mettre fin au régime d’Amin Dada en 1972, était un des plus chauds partisans de M. Obote ; il disposait déjà d’une milice privée qui, avec l’assentiment des Tanzaniens, assurait la protection de l’armée pendant sa réorganisation sous l’autorité du général Tito Okello, lequel appartient aussi à l’ethnie de M. Obote.
Le 12 mai 1980, sous la pression de la commission militaire du FNLO, M. Binaïssa doit céder le pouvoir à une commission présidentielle de 6 personnalités, dirigée par M. Muwanga, membre de l’UPC, parti de M. Obote, et comprenant les deux généraux précédemment cités, deux colonels et un autre civil, M. Museweni, seul membre de la commission à se déclarer adversaire de l’ancien président. M. Museweni, âgé de trente-sept ans, originaire d’une tribu du sud-ouest de l’Angola (Ankole), est le chef du Front national du salut (FRONASA), une des formations de résistance membre du FNLO. Son hostilité à l’égard de M. Obote l’a rendu suspect à M. Nyerere le Président tanzanien. En revanche, l’originalité de ses idées, le fait qu’il appartient à une ethnie moins marquée par les conflits tribaux que les Achori et les Bougandais lui ont valu la sympathie de M. Samora Machel et de M. Robert Mugabe qui n’ont pas craint de le soutenir ouvertement. Il compte des partisans dans l’armée, notamment les anciens membres de sa formation de guérilleros.
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