Défense dans le monde - Namibie : échec à Genève - Cuba : les nouvelles orientations à la suite du 2e Congrès du Parti communiste
Namibie : échec à Genève
La Conférence de Genève sur l’avenir de la Namibie, qui a tenu ses travaux du 8 au 14 janvier, s’est terminée par un échec. La République sud-africaine et la DTA (Democratic Turnhalle Alliance), principal parti namibien de l’intérieur, ont refusé de signer l’accord de cessez-le-feu prévu par l’ONU pour le 30 mars, que la SWAPO (South West Africa People’s Organisation) était par contre prête à signer. Le cessez-le-feu aurait mis fin à 14 années de conflit armé en Namibie.
Le plan des Nations unies, qui avait le soutien des pays occidentaux du groupe de contact (France, États-Unis, Grande-Bretagne, Canada, République fédérale d’Allemagne) et des pays africains de la ligne du Front (Angola, Botswana, Mozambique, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe), prévoyait une période de transition séparant le cessez-le-feu de l’accession de la Namibie à l’indépendance, pendant laquelle le corps expéditionnaire sud-africain (15 à 20 000 hommes) aurait été remplacé par une force de 11 000 hommes (dont 7 500 casques bleus). À l’issue de cette période de transition se seraient tenues des élections sous contrôle international que la SWAPO, au sein de laquelle figure l’ethnie Ovambo, majoritaire numériquement dans le pays, avait de bonnes chances de gagner. La République sud-africaine n’a pas voulu courir ce risque, préférant à nouveau gagner du temps et espérant du président Reagan et de la nouvelle administration républicaine une attitude plus favorable à leur égard que celle de l’équipe de l’ancien président Carter.
La SWAPO a annoncé que cet échec allait entraîner une escalade de son action militaire et qu’elle allait demander contre l’Afrique du Sud des sanctions économiques. Mais cette dernière est en position de force : militairement, elle ne craint pas la SWAPO et elle vient de le prouver en lançant, à l’issue de la conférence, un raid d’envergure en Angola où se trouvent de nombreuses bases refuges de la SWAPO. Économiquement, elle détient la majeure partie des réserves mondiales de manganèse, vanadium, platine, chrome et or, dont a besoin l’industrie des pays développés. Les pays occidentaux représentés au conseil de sécurité ne pourront donc que se montrer hésitants au moment d’adopter des sanctions dont l’efficacité n’est pas certaine ; l’Afrique du Sud surmonte déjà sans trop de mal un embargo pétrolier des pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (l’Opep). L’importance de sa position stratégique pour les Occidentaux ne peut également être négligée.
Les partis namibiens de l’intérieur ont pour leur part fait une bonne opération puisqu’ils se sont fait connaître des Nations unies qui reconnaissaient jusqu’à maintenant la SWAPO comme seul représentant du peuple namibien.
Les perspectives d’un règlement à court terme du conflit ne sont donc pas favorables. L’Afrique du Sud n’est pas prête, après l’installation de M. Mugabe au Zimbabwe, à voir s’installer sur son flanc nord un nouveau régime hostile. Le Premier ministre sud-africain, M. Pieter Botha, déjà menacé en permanence par l’aile droite conservatrice de son parti, ne pourrait pas le permettre. Un accord demandera donc du temps, peut-être au moins 2 ou 3 ans puisque les élections générales en Afrique du Sud sont prévues seulement pour l’an prochain, et des efforts diplomatiques nombreux de la part des 5 Occidentaux dans leur rôle de médiateurs.
Le mérite de cette conférence aura été de permettre pour la première fois à tous les protagonistes de se réunir autour d’une table et d’échanger des points de vue qui demeurent pour l’instant résolument opposés.
Cuba : les nouvelles orientations à la suite du 2e Congrès du PC
Le 2e Congrès du Parti communiste cubain, qui s’est déroulé à La Havane du 17 au 20 décembre 1980, a été placé sous le signe de la production et de la défense. « Travailler plus et mieux que jamais et se préparer à la défense du pays », telle était en conclusion la réponse du Lider Maximo face aux deux menaces qui l’entourent, à savoir la dégradation de l’économie et le renforcement du blocus américain.
La production : vers un néo-réalisme économique à la soviétique
Les choix économiques effectués lors du 2e Congrès ont marqué l’ancrage de Cuba dans le camp soviétique et sa volonté grandissante d’intégration au sein de la communauté des pays de l’Est.
La réforme économique adoptée est identique à celle que Liberman instaura en URSS à partir de 1965. Elle a pour but d’améliorer la gestion et d’accroître la rentabilité des entreprises en réintroduisant la notion d’équilibre financier à l’intérieur de chaque unité. Par cette méthode, les dirigeants cubains espèrent augmenter la production sucrière et mettre ainsi fin au rationnement de la population.
Même si l’on se refuse à parler d’abandon des idées du Che, il n’est plus question aujourd’hui d’une nouvelle voie de croissance spécifique cubaine, basée sur le désintéressement matériel. Il y avait des modèles de développement soviétique et chinois : il n’y aura pas de modèle cubain.
Cette réforme constitue en fait une reconnaissance implicite de l’échec de la révolution cubaine : l’impact au niveau international sera très important, surtout parmi les pays non alignés dont Cuba assure la présidence.
La défense : la peur de l’éléphant républicain
Le complexe d’assiégé ressenti par Cuba à la suite du blocus américain depuis 18 ans s’est réveillé avec l’arrivée de Ronald Reagan au pouvoir.
Fidel Castro se sent partagé entre un désir de normalisation de ses relations avec les États-Unis, qui serait profitable sur le plan économique, et une volonté de fermeté nationale face à « l’impérialisme américain ». Aussi, lors du 2e Congrès, en même temps qu’il lançait un appel à la trêve, le Lider Maximo mettait en garde M. Reagan contre l’éventualité d’une agression américaine et invitait chaque citoyen à se préparer à la défense du pays.
Afin de montrer que l’on joignait l’acte à la parole, le gouvernement cubain a mis sur pied des milices territoriales composées de volontaires et procède actuellement à une collecte de fonds pour les armer.
Du côté américain, l’hypothèse d’un renforcement du blocus de l’île, au cas où Cuba ne renoncerait pas à son activisme dans la zone Amérique Centrale-Caraïbes, a en effet été étudiée par les conseillers du nouveau Président. Par ailleurs, le général Alexander Haig a déclaré devant le Sénat américain qu’il envisageait avec beaucoup de difficultés une amélioration des relations avec Cuba tant que le régime castriste continuerait à provoquer et à soutenir des activités terroristes destinées à renverser des gouvernements légalement constitués.
Plus que jamais l’économie et la défense sont interdépendantes à Cuba. Divisé entre sa volonté de rester dans le camp de l’Union soviétique qui le soutient financièrement depuis des années et un désir de normaliser ses relations avec les États-Unis, Fidel Castro devra louvoyer encore longtemps entre ces deux tendances. ♦