Institutions internationales - La Conférence des pays non-alignés - L'Europe est vulnérable - La cour de justice des communautés
Dans les premiers jours de février, la tension entre les États-Unis et l’URSS paraissait s’aggraver dangereusement. Dès son installation à la Maison-Blanche, Ronald Reagan avait tenu, sur la politique soviétique, des propos qui rappelaient ceux du président Harry Truman et des secrétaires d’État George Marshall et John Foster Dulles. Il avait accusé l’URSS d’être capable « de commettre n’importe quel crime, de mentir, de tricher » pour faire progresser le communisme.
Dans le même temps, M. llyitchev, représentant soviétique à la conférence de Madrid – qui, depuis novembre, tente d’établir un bilan des décisions prises à Helsinki en 1975 – avait accusé les Occidentaux de présenter des propositions « provocatrices ». Le nouveau secrétaire d’État, Alexander Haig, paraissait vouloir rompre avec les méthodes très « diplomatiques » de Henry Kissinger. La question afghane retrouvait toute son actualité. La rébellion salvadorienne était imputée à l’action d’éléments castristes et, le 21 février, à la veille de l’ouverture du 26e Congrès du PC, M. Edwin Meese, principal conseiller de Ronald Reagan, n’excluait pas un blocus de Cuba. Or, le 23 février, dans son long discours d’ouverture du Congrès, Leonid Brejnev lança une véritable « offensive de paix », tout en affirmant son intransigeance à propos de l’Afghanistan et en précisant que l’URSS « n’abandonnera pas la Pologne ». Bien qu’il n’ait soufflé mot de l’installation des SS-20, son discours fut accueilli « avec intérêt » à Washington. Il semble ainsi que l’on s’achemine vers des réunions internationales au plus haut niveau, encore que l’on ne puisse prévoir l’attitude de la nouvelle équipe américaine à l’égard de ce que l’URSS considère comme acquis ou non négociable.
La conférence des pays non-alignés
Les ministres des Affaires étrangères de quatre-vingt-quinze États (en majorité du tiers monde) membres du mouvement des non-alignés se sont réunis du 9 au 12 février à New Delhi pour préparer la conférence des chefs d’État et de gouvernement qui se tiendra l’année prochaine à Bagdad. Ils devaient passer en revue la situation internationale au moment où plusieurs conflits – Irak-Iran, Cambodge, Afghanistan – mettent fortement à l’épreuve la cohésion du mouvement et affectent son indépendance par rapport aux grandes puissances, notamment l’URSS, qui tend à le considérer comme « un allié naturel ». Dès le 6 février, le Pakistan et l’Iran avaient rejeté une proposition du ministre afghan des Affaires étrangères, M. Shah Mohamed Dost, qui s’était dit prêt à rencontrer séparément les représentants de ces pays en présence d’un représentant de l’ONU, mais en précisant que Kaboul était opposé à toute demande de retrait des troupes soviétiques d’Afghanistan tant que n’auraient pas cessé les « ingérences » de ses voisins. Il semblait peu probable que les non-alignés, après l’échec de leurs bons offices en décembre, aient plus de chances que les pays islamiques de trouver une solution au conflit irano-irakien. Leur bureau de coordination, qui siège en marge des Nations unies, à New York, n’était pas parvenu à se prononcer sur le statut de l’Égypte (accusée d’avoir « causé du tort au peuple palestinien en signant les accords de Camp David ») et sur le Cambodge. Le représentant cubain apparaissait comme ayant des positions trop proches de celles des Soviétiques pour prétendre, au nom des non-alignés, jouer un rôle de médiateur dans le conflit irano-irakien et à propos de l’Afghanistan. En fait, l’unité des non-alignés apparut une nouvelle fois très factice. Beaucoup d’entre eux ont vu dans l’invasion de l’Afghanistan une justification de leurs craintes à l’égard de la politique soviétique, mais beaucoup d’entre eux, aussi, jugent plus facile de s’en prendre aux Occidentaux. La présidence cubaine est contestée, sans être toutefois remise en cause. L’Inde ne peut éviter d’être jugée comme faisant le jeu de l’URSS. La Yougoslavie, qui veut se tenir à égale distance de l’Est et de l’Ouest, ne peut pas parler au nom du tiers monde. La position de l’Algérie est équivoque. Les États arabes ne veulent pas se désolidariser de l’URSS, qui leur apporte un appui militaire dans leur conflit avec Israël. Le mouvement des non-alignés prend fait et cause pour le droit à l’autodétermination des peuples encore colonisés, il soutient les Palestiniens et les Namibiens, mais il abandonne la résistance afghane à son sort. Il ne veut pas être ce que Le Monde a appelé « la caisse de résonance de la rivalité entre les deux superpuissances ». Mais au-delà de ses proclamations, il a toujours condamné l’Occident et pris des positions plus ou moins directement favorables à l’URSS, ce qui relativise beaucoup la portée de ses interventions. La Conférence de New Delhi l’a confirmé. L’unité n’apparaît qu’autour de la revendication en faveur de l’instauration d’un nouvel ordre économique international. C’est lors du « Sommet » de La Havane, en 1979, qu’a été lancée l’idée de « négociations globales et universelles » avec les pays industrialisés. Cette idée a fait son chemin, et le dialogue se poursuit en marge des Nations unies. Mais l’entreprise n’est toujours pas sur pied, elle dépend maintenant dans une large mesure de l’attitude qu’adoptera la nouvelle administration américaine à l’égard du dialogue Nord-Sud. En attendant, les pays non-alignés veulent maintenir leur pression sur les pays industrialisés.
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