Défense à travers la presse
En mai 1981, la préparation de l’élection présidentielle n’a pas donné lieu à un débat approfondi sur la défense : on peut y voir un effet du consensus qui s’est établi dans tout le pays sur les lignes essentielles de notre doctrine militaire. Des divergences apparaissent en ce qui concerne le choix des armes futures ou la réorganisation de l’institution, mais de tels sujets se prêtent mal à la controverse publique. Du coup, la presse n’a guère fourni à ses lecteurs d’abondantes analyses en matière de défense nationale.
On retiendra cependant l’article confié au Monde (5 mai 1981) par M. Jean-Pierre Chevènement, devenu depuis lors ministre d’État à la Recherche et à la Technologie. Sans doute n’exprime-t-il pas strictement la doctrine socialiste en la matière, mais son initiative atteste peut-être l’intensité du débat au sein du Parti socialiste. Ce texte commence par une analyse critique de certaines décisions prises au cours du dernier septennat, puis M. Jean-Pierre Chevènement en vient à ce qui lui paraît, sans conteste, l’essentiel : « La France ne doit renoncer ni à la dissuasion, ni à l’alliance. Mais elle doit redéfinir sa contribution. La profondeur de son territoire, la fourniture d’un système logistique, son Aviation, sa Marine, ses réserves, constituent des apports précieux, voire irremplaçables pour l’Alliance atlantique dès lors qu’en joueraient les obligations. Il est absurde de sacrifier la dissuasion française sur l’autel d’un corps de bataille surdimensionné par rapport à l’effort que nous pouvons consentir et sous-dimensionné par rapport à l’ampleur de la bataille dont l’Europe serait le théâtre en cas de conflagration mondiale… Le développement d’armes nouvelles dotées de charges nucléaires miniaturisées ou de charges classiques de forte puissance, dites de la zone grise, et comportant des effets de destruction limités ou sélectifs, ne suffit pas à faire une politique. La technologie et la puissance de feu n’ont de sens que par rapport à une doctrine d’emploi cohérente. Or les armes de la zone grise ont vocation à servir sur un théâtre d’opérations qui s’appelle l’Europe. En effaçant la distinction entre les armes nucléaires et les armes classiques, elles banalisent l’emploi des premières et contribuent ainsi à rendre la guerre sur notre continent à nouveau concevable. Elles risquent d’entraîner à nouveau la France en première ligne d’une bataille qui pourrait bien ne pas être la sienne ».
L’expression de ces réserves à l’égard d’un engagement français sur un éventuel champ de bataille européen a conduit M. François de Rose à donner la réplique dans Le Monde du 21 mai 1981. Dans ce long exposé, l’auteur cherche à prouver que la notion de dissuasion ne doit pas être acceptée dans son sens le plus restrictif :
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