Défense en France - Le traitement des problèmes de défense
Un article récent de Jacques Isnard dans Le Monde le 20 mai 1981 a fait état d’une certaine vie au ralenti du ministère de la Défense, naviguant sans véritable impulsion « comme un navire continue par inertie sur son élan parce que le gouvernail ne fonctionne que par intermittence ». L’image employée par M. Isnard est peut-être discutable d’un strict point de vue de technique maritime, mais on serait assez tenté de penser qu’elle ne peut manquer de s’appliquer à la marche d’un département ministériel où viennent de se succéder à une cadence très rapide les titulaires des principaux postes de responsabilité.
En quelques mois deux chefs d’État-major ont quitté leurs fonctions ; un autre et un ministre de la Défense sont morts peu de temps après leur nomination ; le dernier ministre de la Défense de l’ancien gouvernement, s’il bénéficiait d’une expérience précédemment acquise dans ce même département, devait partager son temps avec la coopération ; l’actuel ministre du nouveau gouvernement vient seulement d’arriver Boulevard Saint-Germain avec un important bagage de réflexions personnelles sur les questions de défense, mais sans naturellement l’avantage d’avoir eu antérieurement à les traiter concrètement (voir notamment un article de novembre 1974 de notre revue et le livre intitulé Soldat-citoyen : essai sur la défense et la sécurité de la France, Éditions Flammarion ; 1975).
La fréquence de ces changements de personnes risque-t-elle, comme certains semblent le redouter, d’avoir une répercussion sur le calendrier de préparation de la nouvelle Loi de programmation militaire qui devrait prendre, à la fin de 1982, le relais de celle du 10 juin 1976 ? Il apparaît que les habitudes de travail des États-majors, selon la tradition française, garantissent qu’ils sont prêts à tout moment à fournir au pouvoir responsable les éléments qui lui sont nécessaires pour prendre ses décisions d’ordre militaire. Les grandes orientations concernant notamment la dissuasion et la participation du peuple français à la défense une fois définies, la machinerie militaire existante est bien rodée à les traduire en termes de missions, d’organisations et d’équipement des composantes de la panoplie nationale, pourvu que puissent être données à chacune des différentes catégories de forces, qualitativement et quantitativement, le degré de puissance nécessaire à sa crédibilité et à son efficacité. Cependant, un certain retard de la Loi de programmation peut être nécessaire pour assurer une réflexion approfondie et une véritable concertation entre le politique et le militaire.
Au moment de faire paraître cette chronique, il serait prématuré de chercher à distinguer quelles seront en définitive ces grandes orientations. ♦