Revue des revues
• Dans le numéro de septembre-octobre 1981 de la revue Herakles, Paul-Marie de La Gorce analyse « la nouvelle stratégie », c’est-à-dire les idées du nouveau ministre de la Défense M. Charles Hernu, telles qu’on peut les connaître dans ses écrits, en tenant compte de la différence qui peut exister entre le langage d’une personnalité d’opposition et celui d’un homme politique ayant assumé de hautes responsabilités.
Paul-Marie de La Gorce montre d’abord que Charles Hernu fut de ceux, peu nombreux, qui introduisirent la dissuasion nucléaire dans le courant politique auquel il appartenait. II est ainsi un partisan résolu d’une dissuasion indépendante pour la « non-guerre » dans une conception rigoureuse et intransigeante. La politique militaire n’est que le corollaire de la politique étrangère, et le grand apport de la Ve République dans l’ordre de la Défense a été d’avoir établi une logique fondamentale en associant une volonté d’indépendance politique à une Défense indépendante. L’indépendance de l’Europe de demain, pense M. Hernu, suppose celle de la France d’aujourd’hui, et l’on doit repousser l’idée qu’elle puisse s’engager automatiquement sur le théâtre européen. Le nouveau ministre de la Défense rejette ainsi catégoriquement la perspective d’une « bataille de l’avant » qui mettrait les forces françaises hors du cadre national. Il s’agit de savoir quelle doit être la place de l’arme à neutrons dans la stratégie française, et ce ne peut être sous la forme d’une ligne Maginot. Les armes nucléaires ordinaires font partie intégrante de la dissuasion nucléaire stratégique, comme le rappelait le général Méry.
Paul-Marie de La Gorce se demande alors si la stratégie française de dissuasion nucléaire évoluera vers le « tous azimuts ». L’on ne sait guère en effet quelle menace pèsera sur la France dans vingt ou vingt-cinq ans. L’instrument privilégié de notre dissuasion, le sous-marin, est par excellence l’arme qui convient à ce genre de stratégie, qui ne peut être qu’anti-cités et n’a donc pas besoin de moyens complémentaires tels que des satellites d’observation ou de navigation. Américains et Soviétiques paraissent accepter de plus en plus un concept de guerre nucléaire, comme le montrent plusieurs exemples : l’effort de miniaturisation et de précision des armes ; la conception américaine de l’arme à neutrons comme moyen anti-chars ; la directive présidentielle n° 59 qui prévoit l’emploi des armes stratégiques en anti-forces ; le problème des SS-20 (missiles balistiques nucléaires sol-sol de portée moyenne soviétiques) en Europe. La doctrine française, telle qu’elle ressort des écrits de M. Charles Hernu, s’oppose à ces thèses et apparaît comme autrement cohérente et rigoureuse.
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