Revue des revues
• Dans son numéro d’octobre 1981, la revue Études publie un deuxième article signé du pseudonyme Nicolas Polystratu (après « Politique de sécurité de la France » en mars 1981). Sous le titre « Requiem pour un rite, essai sur le service militaire de la France », il s’agit d’une assez violente attaque contre la conscription telle qu’elle existe actuellement dans notre pays.
La thèse soutenue par Nicolas Polystratu (NDLR : le vice-amiral d’escadre Guy Labouerie) est que le service militaire obligatoire, né du concept de la nation en armes, mal supporté par les Français au cours de l’histoire, se heurterait depuis vingt ans au choc entraîné par la mutation économique et sociale du pays et à la rupture liée à l’armement nucléaire national. Ces armements faisant de la France une « île inabordable sauf apocalypse », l’espace environnant est devenu un espace de manœuvre propice aux stratégies indirectes, l’espace intérieur relevant de la subversion. Notre pays est devenu une puissance commerciale, industrielle et urbaine de première grandeur. Nos fragilités sont d’une part nos voies et moyens de communication, et d’autre part une fragilisation de la population qui augmente le rôle joué par les femmes. La conscription est un outil de formation utilisé par les pays en voie de développement, mais la quasi-totalité des nations développées non nucléaires ont un service adapté à leurs besoins sans faire référence à une quelconque « loi démocratique universelle ».
Nicolas Polystratu fait alors état de réactions des trois armées qui sont loin d’être identiques, la Marine étant actuellement la plus réticente au changement, car elle ne peut concevoir une diminution de ses effectifs, incompatible avec l’augmentation constante de ses charges. Il existe cependant un problème à la fois quantitatif et qualitatif. La qualification technique ne suffit pas, il faut aussi des professionnels endurants, calmes, rapides, capables d’initiative, qui ne s’obtiennent pas par un service militaire court, même pour la DOT (Défense opérationnelle du territoire) ou « la mobilisation populaire ». Il s’agit alors de savoir quels sont les effectifs nécessaires pour mener les trois stratégies d’interdiction, d’inhibition et d’animation mises en évidence dans le premier article, quantité étant difficilement assimilable avec efficacité. La force nucléaire stratégique assurant maintenant la défense des frontières. Nicolas Polystratu se demande alors quelle est la mission de l’Armée de terre, qui a perdu son rôle séculaire. Elle ne peut assurer que des tâches de renseignement du Président de la République et de frappe aéroterrestre d’avertissement, avec une participation potentielle à la stratégie anti-force de l’Alliance atlantique et à l’intervention outre-mer. En même temps, la dimension des intérêts français liés à la mer est en train de changer profondément. Les hommes politiques y sont de plus en plus sensibles, mais la Marine est à la limite de ses moyens et elle manque surtout d’officiers. Si, comme le prévoyait Alexandre Sanguinetti (Ministre des anciens combattants et victimes de guerre de 1966 à 1967), on ne peut recruter que 0,6 à 0,7 % de la population, la France de 1981 ne peut pas avoir plus de 250 000 hommes sous les armes, en dehors de la Gendarmerie qui est la force réelle de DOT et de maintien de l’ordre. Dès 1964, un audacieux ne proposait-il pas une Armée de terre de 100 000 h, une Marine de 70 000 h et une Armée de l’air du même ordre de grandeur ?
Il reste 83 % de l'article à lire