Afrique - Afrique australe : le vent nouveau venu de l'Ouest - En Éthiopie, le gouvernement central veut porter le coup fatal à la sécession érythréenne
En 1981 fut célébré le 20e anniversaire d’une Afrique du Sud devenue indépendante sous la houlette de sa communauté blanche. Durant toute l’année, les cérémonies officielles ont marqué l’événement avec une pompe un peu guindée, et les mécontents ont commencé à faire entendre leurs voix. L’« African National Council » (ANC) a su employer, à cette occasion, de nouvelles méthodes de combat. Aux manifestations de masse et aux grèves que cette organisation avait préconisées jusqu’alors ont succédé des démonstrations exigeant des mobilisations moins importantes, par conséquent des équipées moins dangereuses pour les militants mais spectaculaires et capables de provoquer quelquefois des dégâts importants : coupures de lignes ferroviaires, par exemple Soweto et Port-Elizabeth, sabotages de centrales électriques dans l’État libre d’Orange (fondé par des Boers en 1854) et le Natal (province sud-africaine depuis 1910), attaques de postes de police dans le Ciskeï (État indépendant depuis le 4 décembre 1981, il n’est cependant reconnu par aucun membre de l’ONU) ou à proximité de Cape Town, attentats contre des permanences du PFP (Progressive Federal Party), principal parti blanc de l’opposition. Leur simultanéité et l’étendue du champ où elles se sont exercées ont montré que ces actions terroristes visaient autant à inquiéter la population blanche, par conséquent à renforcer la position des extrémistes au sein du Parti national, qu’à soulever l’enthousiasme des jeunes Noirs en les incitant à suivre l’exemple de guérilleros si audacieux. Il ne semble pas que ce dernier objectif ait été atteint ; du moins les vocations, si elles existent, ne se sont pas encore montrées, et les grèves générales, que l’ANC croyait pouvoir déclencher, en témoignant de sa puissance, n’ont été un succès ni à l’occasion des cérémonies commémoratives de l’indépendance ni plus tard. Toutefois, pour la première fois dans l’histoire de l’Afrique du Sud, un mouvement terroriste noir a frappé impunément et simultanément dans les zones blanches de plusieurs provinces du pays ; si l’effet sur l’opinion des populations noires ne peut être encore mesuré, il est certain que l’inquiétude ainsi provoquée a favorisé le raidissement de la fraction dite « crispée » du Parti national. Par conséquent, elle a, sinon remis en cause l’esprit réformateur du gouvernement, du moins diminué l’importance des réformes qu’il pouvait proposer.
Les élections anticipées d’avril 1981, grâce auxquelles le Premier ministre Botha espérait être en mesure de lancer le programme de réformes internes et d’ouverture vers les pays africains voisins – politique dont il avait promis la mise en œuvre, dès son entrée en fonction, aux milieux d’affaires qui la réclamaient – avaient déjà renforcé la fraction « crispée » du Parti national aux dépens de ses membres « éclairés ». À l’époque, il était difficile de mesurer les importances respectives des deux tendances, étant donné le secret dont le parti gouvernemental entoure ses délibérations. On ne pouvait la pressentir qu’en constatant un glissement vers l’extrême droite de l’ensemble de l’électorat. Depuis lors, les observateurs considèrent comme établi que les élections anticipées, qui auraient dû permettre une évolution raisonnable, n’ont fait que bloquer davantage la situation sans qu’il fût possible de l’assouplir par des moyens constitutionnels. L’immobilisme est renforcé par l’idée que certains se font, en Afrique du Sud, du vent nouveau soufflant des États-Unis.
Le raisonnement est simple. Washington, sous l’administration Reagan, aurait l’intention de négocier, en ce qui concerne l’Atlantique Sud, un pacte militaire qui aurait la fonction que joue l’Otan dans le Nord (ce pacte pourrait concerner l’Afrique du Sud, l’Argentine, l’Uruguay, le Brésil et le Chili). Pour la défense de cette zone, Pretoria est évidemment appelé à jouer un rôle essentiel. Les plus optimistes espèrent même que la marine américaine viendra succéder à la Royal Navy comme locataire de la base navale de Simonstown, dont l’importance pour la sécurité des lignes de communication de l’océan Indien et de l’Atlantique (2 300 passages dont plus de 600 pétroliers par mois) n’est plus à souligner et qui, depuis le départ des Anglais, a été agrandie et modernisée (par l’ajout de trois bassins, dont un pour les sous-marins, capables d’accueillir une quarantaine de bâtiments de taille moyenne ; de moyens de réparation simultanée pour 6 à 7 navires ; d’un aéroport international ; de réseaux de communications ; d’un centre industriel assez complet : installations modernes de surveillance électronique). La fraction « crispée » du Parti national se fonde donc sur ces intentions américaines pour refuser tout projet visant à apporter un changement à la situation actuelle et à affaiblir la position de la communauté blanche qui serait le meilleur garant de l’orientation antisoviétique de la population sud-africaine. En l’absence d’une protection américaine, les adversaires de cette thèse auraient pu alléguer que l’immobilisme ne favorisait pas le maintien des prérogatives de cette communauté, et qu’il faudrait trouver un moyen d’échapper à une condamnation quasi universelle. Toutefois, l’attitude nouvelle prêtée aux États-Unis justifiait l’immobilisme, de même que le justifiait l’accentuation des menées terroristes, aggravation que l’on estimait en général causée par les quelques réformes adoptées depuis une dizaine d’années. L’immobilisme, cela signifie, selon les intégristes boers, la poursuite du « développement séparé », l’indépendance progressive de bantoustans géographiquement morcelés et économiquement peu viables, la perte de la nationalité sud-africaine pour les membres de la communauté noire à mesure que leur pays d’origine accéderait à l’indépendance, par conséquent, la suppression à terme du problème des noirs urbanisés, puisque ces derniers deviendraient des travailleurs immigrants et occasionnels, au même titre que les ouvriers recrutés au Malawi, au Lesotho ou au Mozambique, même s’ils s’avéraient natifs du lieu de leur travail.
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