Les armes nucléaires dans le Tiers Monde
Près de huit années se sont passées depuis que l’explosion d’une bombe de 15 Kt (kilotonnes) dans le désert du Rajasthan a fait accéder l’Inde au club le plus fermé de la planète. Cette expérience « civile » a provoqué une action internationale accrue en faveur de la non-prolifération : création du club des fournisseurs de matériels sensibles, INF C.5 du président Carter qui s’est achevé en février 1980. Depuis, l’attention internationale est devenue moins aiguë à l’égard de ce problème crucial : on semble résigné à voir le Pakistan procéder lui aussi à une expérience dès 1982-1983, alors que le statut nucléaire d’Israël, voire de l’Afrique du Sud, ne semble faire aucun doute aux yeux de nombreux experts.
Si l’on passe en revue la trentaine de pays du Tiers-Monde qui n’ont pas adhéré au traité de non-prolifération de 1968, on peut en désigner près d’une dizaine dont tout laisse supposer que leur probabilité d’accéder à l’arme est réelle. Outre les pays déjà cités, il s’agit de la Corée du Sud et de Taïwan, pourtant signataire du TNP (Traité de non-prolifération), de l’Argentine et du Brésil. L’ouvrage de Ernest Lefever procède à un examen minutieux du potentiel technologique et scientifique de chacun des candidats potentiels et soupèse l’intérêt militaire qu’ils pourraient en tirer. La dissémination de l’arme atomique lui semble un peu inéluctable, et les États qu’il étudie pourraient, dès 1985, être dotés d’un arsenal symbolique, constitué de cinq à dix bombes. Pourtant, cette extension du club nucléaire n’est pas une fatalité et dépend, en définitive, de la gravité des menaces telles qu’elles sont perçues par l’aspirant. Aussi, si le cas d’Israël, de l’Afrique du Sud et du Pakistan fait peu de doute, la situation de la Corée du Sud et de Taïwan, comme de l’Argentine et du Brésil, est beaucoup plus incertaine. Les États-Unis exercent des contrôles sévères sur les activités nucléaires des deux premiers et n’hésiteront pas à user de toute leur persuasion pour les en dissuader.
L’accord entre l’Argentine et le Brésil de mai 1980, qui porte sur les activités nucléaires des deux pays, a considérablement diminué leur antagonisme traditionnel, donc leur motivation.
Mais il est bien hasardeux de conclure en cette matière. La possession de l’arme nucléaire peut répondre à la fois à d’impérieux besoins de sécurité, au souci de prestige et d’influence, et servir d’instrument diplomatique de chantage à l’égard des États-Unis. Au surplus, le coût de constitution d’une force moyenne d’une cinquantaine de têtes n’apparaît pas excessif : trois milliards de dollars étalés sur près d’une décennie constituent une approximation réaliste.
Cette étude d’E. Lefever, solidement documentée, n’a pas réellement subi l’épreuve du temps si ce n’est que, depuis l’édition américaine de 1978, le cas de l’Iran s’est tout à fait modifié. C’est bien la preuve que le statut nucléaire des États reste aléatoire, ce qui n’en diminue pas les nombreux risques. ♦