Défense à travers la presse
Alors qu’à la veille de cet été certains conflits armés s’achevaient, comme ceux des Malouines (Falkland) ou du Golfe entre l’Irak et l’Iran, alors que la guerre se rallumait au Proche-Orient aux dépens du Liban, alors qu’à New York l’Assemblée générale de l’ONU commençait une session spéciale consacrée au désarmement et que Moscou et Washington annonçaient la reprise des négociations stratégiques, les START (Traités de réduction des armes stratégiques), la vague de pacifisme, qui depuis l’automne précédent déferlait sur l’Europe occidentale, atteignait les États-Unis puis la France, avec des succès divers.
Aussi curieux que cela paraisse, ce n’est pas la conjoncture internationale avec ses guerres locales qui en était le facteur mobilisateur : c’est la modernisation des forces de l’Otan qui se trouve à l’origine de ce renouveau du pacifisme. Mais si le détonateur est évident, les raisons profondes de ce pacifisme style 1982 sont moins faciles à détecter tant elles sont multiples et parfois contradictoires.
Peur du nucléaire, constat d’échec des organisations internationales comme l’ONU, effritement de certaines valeurs morales, tout cela intervient mais selon quelle logique ? Dans Le Nouvel Observateur du 26 juin 1982, Pierre Hassner apporte son analyse à ce sujet : « Cette renaissance (du pacifisme) tient d’abord aux caractères de notre époque. Depuis quelques années, en effet, la guerre froide est de nouveau à l’ordre du jour et cela survient après une longue période de détente. Ce fait, combiné avec l’avènement d’une jeune génération pour laquelle la paix est une sorte d’avantage acquis, pour laquelle les problèmes militaires sont vécus comme moins importants que les problèmes de société, est devenu soudain déterminant. On peut, là encore, vérifier l’hypothèse classique de Tocqueville : les crises naissent surtout quand une amélioration, en l’occurrence la détente dont nous avons bénéficié jusqu’à présent, se trouve brutalement contrariée… L’Appel de Stockholm était un produit de la guerre froide. Aujourd’hui les choses sont plus compliquées. Nous sommes passés, à travers la détente, de la guerre froide à l’actuelle paix chaude, et de ce fait les caractéristiques du pacifisme d’aujourd’hui combinent plusieurs éléments : on y trouve une dimension Appel de Stockholm, et c’est le pro-soviétisme classique des partis communistes ou des « mouvements de la paix ». Mais s’y ajoute aussi la dimension propre aux années 1960 et 1970 : écologie, mouvements d’étudiants, antinucléaires, etc. L’antiaméricanisme primaire de l’Appel de Stockholm s’est ainsi enrichi de composantes plus sophistiquées… Ajoutez à cela que les pays les plus pacifistes sont ceux où la social-démocratie est culturellement majoritaire et où, par conséquent, une longue pratique de l’État providence a habitué les gens à préférer les priorités sociales aux priorités militaires ».
Il reste 74 % de l'article à lire