Défense à travers la presse
Une menace est plus forte que son exécution : cette assertion fut à la base de la théorie des échecs de Aaron Nimzowitsch mais elle correspond fort bien à la stratégie de la dissuasion. Or le 23 mars 1983 le président Ronald Reagan, en invitant ses spécialistes à s’orienter vers les nouvelles technologies de défense antimissiles, paraît disposé à l’abandon de la menace nucléaire au bénéfice d’une sécurité qui serait obtenue par la mise en place de tout un dispositif de protection qui reste à réaliser. Pareille ligne Maginot serait-elle étanche aux fusées de l’adversaire ?
Avant même que cette question soit abordée (et résolue), il faut bien voir que l’initiative américaine modifie du tout au tout la nature des problèmes de défense. L’aspect science-fiction de cette nouvelle doctrine a aussitôt séduit certains de nos confrères qui, ensemble, parlèrent avec force détails de cette « guerre des étoiles ». On ne saurait cependant se satisfaire d’une approche aussi partielle. Il convient d’aller au-delà. Dans Le Matin, du 25 mars 1983, Jean-Louis Peninou, après s’être demandé si le président américain était sérieux, retrace l’évolution des théories stratégiques du Pentagone :
« L’arme nucléaire, plus que tout autre, est inséparable de sa doctrine d’emploi. Les avancées technologiques de ces 30 dernières années ont modifié, à plusieurs reprises, les possibilités guerrières de chacun des deux adversaires. Mais l’un comme l’autre ont continué à faire reposer leur sécurité sur la doctrine de dissuasion. À tel point que celle-ci fut pratiquement instituée par traité comme règle de conduite commune… Au fil des ans, des glissements doctrinaux ont été opérés, surtout du côté américain. L’adoption officielle par l’Otan de la stratégie de la riposte graduée, reposant sur l’improbable concept de guerre nucléaire limitée, puis l’attraction exercée dans les états-majors par les doctrines de frappe antiforces est venue compliquer la belle simplicité de la dissuasion. Mais sans vraiment la remettre en question. La construction par les États-Unis d’un dispositif de défense efficace contre les missiles soviétiques remettrait évidemment en cause le Traité de 1972 (SALT I) bien qu’il autorise les études et recherches sur ces armes nouvelles et n’interdit que leur déploiement ».
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