Défense dans le monde - Le conseil de coopération des États arabes du Golfe (CCEAG) : bilan des réalisations après trois ans d'existence
Créé le 4 février 1981 à Riyad à l’issue d’une réunion des ministres des Affaires étrangères d’Arabie saoudite, du Koweit, de Bahreïn, du Qatar, des Émirats arabes unis et d’Oman, le Conseil de coopération des États du Golfe (CCEAG) s’étaient donné pour but « d’établir entre les participants une étroite coordination dans divers domaines, particulièrement en matière économique et sociale ».
Les perspectives de succès de ce programme, au demeurant très imprécis, apparaissaient alors très modestes. De nombreux obstacles devaient être surmontés : particularisme et esprit d’indépendance des émirs, appréciations différentes des menaces, craintes d’un monopole saoudien, pressions extérieures de l’Iran et de l’Irak.
En dépit de ces sombres augures et de certains échecs, le bilan des objectifs atteints par le CCEAG après 3 ans d’existence apparaît cependant globalement positif comme le montre une analyse sommaire.
Réalisations économiques
Les motivations économiques sont à l’origine de la création du CCEAG. Il s’agissait de préparer « l’après pétrole », de généraliser et d’harmoniser les accords bilatéraux qui liaient déjà entre eux certains États du Golfe.
Prenant exemple sur la Communauté économique européenne (CEE) les 6 États concernés signaient un « accord économique unifié » en novembre 1981. Il instituait une zone de libre-échange qui porte sur l’égalité de traitement des ressortissants des États-membres afin de favoriser la mobilité d’une main-d’œuvre locale rare, la liberté d’établissement et d’entreprise, la libre circulation des biens et des capitaux par l’uniformisation des taxes et des règles financières. Il s’agissait, par ailleurs, pour les 6 pays, de coordonner leurs politiques d’aide extérieure et d’investissement dans le Tiers-Monde et d’harmoniser leurs politiques pétrolière, agricole et industrielle.
La mise en place de ces mesures, retardées sur demande de l’Oman (dont l’économie reste très fragile), semble se réaliser progressivement en particulier pour ce qui concerne la libre circulation et le libre établissement des travailleurs.
La création d’un fonds d’investissement du Golfe qui s’inscrit dans les perspectives de l’accord de novembre 1981 constitue également une preuve concrète de l’esprit de coopération qui anime les États-membres dans le domaine économique et tout particulièrement dans le domaine pétrolier.
Accords politiques
Au plan politique, le principal succès a été l’adoption d’une position commune face aux 2 problèmes majeurs qui affectent la région : la question palestinienne et le conflit irako-iranien.
L’unanimité ainsi affichée cache néanmoins de profondes divergences qu’explique la diversité des positions géostratégiques de certains États-membres. Ainsi le Koweït, géographiquement très proche de l’Irak et qui abrite une forte minorité palestinienne, ne peut avoir pour la question palestinienne et le conflit irako-iranien la même sensibilité que l’Oman.
Malgré cela, le soutien accordé aux droits du peuple palestinien a toujours figuré en bonne place dans les comptes rendus de séance du Conseil. De même, face au conflit entre Bagdad et Téhéran, les 6 ont toujours exprimé leur soutien aux efforts de paix entrepris par la Conférence islamique, les non-alignés et les Nations unies.
Pour préserver sa position d’arbitre et sans doute son avenir, le Conseil n’a jamais rompu les relations avec l’Iran même après le retrait volontaire de l’Irak des territoires conquis et les attaques iraniennes contre son sol. À ce sujet, il est significatif que la rencontre des chefs d’États du Golfe, de novembre 1982, tout en approuvant les décisions du 2e Sommet de Fès n’ait par repris l’article de la Résolution finale sur la mise en application contre l’Iran des accords de défense prévus par la Ligue arabe.
Accords de sécurité et de défense
Le souhait des États modérés du Golfe de renforcer leur sécurité dans le cadre d’une entente n’a sans doute pas été étranger à leur décision de créer le CCEAG. L’émergence de graves menaces internes et externes identiques pour les 6 pays ne pouvait qu’attiser leur désir de resserrer les rangs.
Dans ce domaine, qui affecte directement le concept de souveraineté et d’indépendance nationale, les résultats ne pouvaient être spectaculaires. Des progrès ont cependant été réalisés.
Ainsi, malgré le halo de discrétion qui entoure les décisions prises par le Conseil sur les problèmes de défense, des informations permettent d’indiquer qu’un document sur la « sécurité militaire » a été approuvé lors de la réunion des ministres de la Défense les 10 et 11 octobre 1982. Ce document comporterait notamment, l’état des besoins quantitatifs et qualitatifs en armes et munitions des pays membres ainsi qu’un plan de formation des cadres nationaux assumant des responsabilités de défense. Le problème de la standardisation des matériels militaires en place dans les 6 pays est donc posé.
Par ailleurs l’annonce, que pour la première fois des manœuvres militaires communes d’une durée d’environ 10 jours auraient lieu en automne prochain sur le territoire des Émirats arabes unis (EAU), s’inscrit bien dans cette perspective d’union. Il s’agit là d’un pas décisif qui devrait aboutir, à plus long terme, à une coordination étroite, voire une intégration dans les domaines du commandement, de l’armement et de l’entraînement.
S’agissant de sécurité intérieure, l’accord global annoncé au mois de février 1982 et destiné à remplacer les accords bilatéraux signés par l’Arabie saoudite avec tous ses partenaires du Golfe à l’exception du Koweït, n’a toujours pas été conclu. Les Koweïtiens refusent, en effet, d’accepter certaines clauses qui limiteraient leur indépendance, en particulier vis-à-vis des Saoudiens.
En revanche, lors de la réunion des ministres de l’Intérieur les 17 et 18 octobre 1982, d’autres points importants relatifs à la coopération et à la coordination en matière de sécurité ont été approuvés. Il s’agit notamment de la création d’un centre de données judiciaires, commun aux 6 États, ainsi que de l’harmonisation des passeports et de la réglementation en matière d’immigration.
Créé il y a 3 ans le CCEAG s’impose peu à peu comme une entité avec laquelle les instances internationales doivent désormais compter. Les résultats obtenus par cet organisme dans le domaine de la coopération politique, économique et militaire, s’ils ne sont pas spectaculaires, sont néanmoins la preuve d’une profonde volonté d’unité. Les nombreuses réunions des différents ministres et souverains des 6 pays, une quarantaine depuis février 1981, témoignent d’une particulière vitalité.
Néanmoins, les points de divergences entre les États-membres sont encore nombreux et le chemin qui reste à parcourir s’annonce long et semé d’embûches. Pour l’heure la neutralisation de l’Irak et de l’Iran engagés dans un conflit dont on ne perçoit toujours pas la fin procure au CCEAG un répit dont il faut tirer profit. Les problèmes seront en effet beaucoup plus difficiles à résoudre le jour où la paix sera rétablie. ♦