Défense à travers la presse
Comme on s’en doute, c’est la guerre dans le Golfe qui a essentiellement retenu l’attention des commentateurs au cours de ces dernières semaines. Nous y reviendrons, mais auparavant arrêtons-nous à trois articles d’une portée plus générale et qui concernent directement la sécurité de la France, voire de l’Europe. Trois articles qui, à notre avis, présentent l’avantage de réaffirmer clairement des points essentiels à un moment où tout concorde à affaiblir la doctrine de la dissuasion. C’est la raison pour laquelle nous n’hésiterons pas à les citer longuement.
Il y a tout d’abord l’interview du directeur de l’Institut français de polémologie, Jean Paucot, par Christian Devinat dans Le Figaro du 21 mai 1984. Après avoir admis que nous abordons une époque caractérisée par le sentiment d’une menace accrue, compte tenu des limites de la protection américaine, compte tenu aussi que l’affaire des Euromissiles a suscité une notion d’instabilité croissante, bien que l’on doive « se demander si ces armes ont un véritable intérêt militaire », Jean Paucot en arrive à tracer avec précision les bases de la dissuasion française :
« Il faut d’abord comprendre que l’on ne dissuade pas une Nation d’un projet qu’elle n’a pas. Je crois que l’URSS n’a pas l’intention actuellement de déclencher une agression militaire directe contre la France, donc nous ne la dissuadons pas d’un projet qu’elle ne forme pas. Mais nous disposons d’un système dissuasif permanent qui pourrait être mis en œuvre en cas de crise. On ne dissuade pas de l’emploi d’un système d’armes déterminé, qu’il soit nucléaire, chimique ou conventionnel, mais on dissuade un agresseur pour qu’il renonce à son intention en le persuadant que le risque est très supérieur à l’enjeu. La crédibilité est triple : physique, psychologique et politique. La nature des moyens doit garantir la capacité de riposte ; c’est ainsi que l’invulnérabilité des sous-marins constitue un élément physique de crédibilité… La crédibilité psychologique doit persuader l’adversaire que la menace pourrait être mise à exécution. La cohérence entre le discours politique et la doctrine stratégique doit être respectée. Il est évident qu’une riposte nucléaire stratégique ne peut se justifier que contre une agression mettant en cause l’existence même de la France en tant que Nation. Il faut cesser de croire à un type de logique qui voudrait qu’on réponde au nucléaire par le nucléaire, au chimique par le chimique, aux armes classiques par des armes classiques. La logique dissuasive est autre : elle évalue l’objectif de l’agression et non la nature des armes employées. En toute hypothèse, la phase dissuasive vise à revenir à la négociation. »
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