Afrique - Tanzanie : éloignement planifié du « père » de l'État et de la nation (Julius Nyerere) - Guinée, Liberia : des risques d'instabilité après des années de dictature
Tanzanie : éloignement planifié du « père » de l’État et de la Nation
Après les chefs d’État du Sénégal, du Cameroun et avant celui de Sierra Leone (1), M. Julius Nyerere, président de la république de Tanzanie, a décidé d’abandonner ses fonctions. Fort des expériences précédentes, notamment de l’éviction brutale de M. Ahidjo, premier président du Cameroun, de la vie politique camerounaise après sa démission, le Mwalimu, surnom du président tanzanien, s’est assuré, par trois mesures principales, que ses successeurs ne pourraient éliminer l’influence et l’autorité qu’il entend conserver. En premier lieu, afin de réparer les erreurs d’une gestion qui fut plus consacrée à résoudre les problèmes sociaux qu’à développer les ressources permettant d’atteindre cet objectif, il a pris comme Premier ministre, en avril 1984, M. Salim Ahmed Salim ; cette personnalité était capable non seulement de rassurer les milieux d’affaires zanzibarites ou indo-pakistanais, mais aussi d’obtenir des concessions des organismes financiers internationaux et de mener une politique pragmatique en matière d’économie. Dans un deuxième temps, M. Nyerere a obtenu du parlement que les pouvoirs de la direction du CCM (Chama Cha Mapinduzi, « parti de la révolution » en swahili, langue officielle), parti unique, soient renforcés par rapport à ceux du chef de l’État, notamment en ce qui concerne le contrôle exercé sur les grands services. Cet aménagement fut voté en octobre 1984, sur proposition de M. Salim Ahmed Salim, alors Premier ministre, qui avait précisé à l’occasion du scrutin qu’il tendait à assurer la suprématie du parti sur le gouvernement. Enfin, le fondateur de la république tanzanienne a fait désigner, comme son successeur, le vice-président Ali Hassan Mwinyi, en place d’un Premier ministre dont il pouvait craindre les tendances dans un régime de transition mais qui paraissait être celui qu’il avait précédemment choisi pour lui succéder. La carrière de M. Mwinyi ne le porte pas à vouloir éliminer de la scène politique celui dont il fut toujours, parmi les zanzibarites, le plus fidèle collaborateur, puisqu’il a contribué à fondre, dans le parti unique de M. Nyerere, l’Afro-Shirazi Party (ASP), parti unique des îles.
À la lumière de ces trois décisions, il apparaît que pour demeurer le seul inspirateur de l’idéologie et, si possible, afin d’avoir le temps de parfaire son système ou de le figer pour l’avenir, le Mwalimu a jugé nécessaire d’abandonner la gestion des affaires ; ainsi, peut-il espérer que l’opinion ne lui reprochera pas les mesures de rigueur que le FMI impose à son gouvernement et qu’il s’est longtemps, lui-même, refusé à appliquer.
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