Défense dans le monde - Réorganisation du Pentagone
En octobre 1986, le président Reagan a signé le projet de loi sur la réorganisation du ministère de la Défense, voté par les chambres du Congrès en septembre 1986, caractérisé par le passage d’un système fonctionnant autour de quatre armées indépendantes à une organisation centralisée pour les acquisitions de matériels et le commandement interarmées.
L’organisation actuelle de la sécurité nationale aux États-Unis est de conception relativement récente et date du lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En 1947, en effet, le National Security Act consacre l’indépendance de l’Armée de l’air et prévoit la création d’un département de la Défense regroupant, sous une haute autorité civile, l’activité des trois départements militaires. Un « Comité des chefs d’état-major » (Joint Chiefs of Staff : JCS) est institué, dont le rôle est simplement consultatif. En 1958, le Reorganization Act renforce la centralisation des responsabilités et des pouvoirs de décision, confiés au secrétaire de la Défense, et attribue un rôle opérationnel au JCS.
À partir de 1980, l’idée d’une réforme de l’organisation de la défense fait son chemin. Les rivalités révélées lors des diverses crises ou conflits, les difficultés budgétaires, l’échec de certains programmes d’équipement, les pressions du Congrès, conduisent, en juillet 1985, le président Reagan à confier à une commission le soin d’étudier et proposer les mesures nécessaires.
L’essentiel des recommandations de la Commission Packard, qui remet son rapport en février 1986, est repris dans le projet de loi voté, sans problème majeur, par l’ensemble des deux chambres du Congrès.
Dans le domaine des acquisitions, le projet est marqué par la mise en place d’une structure centralisée au niveau du ministre, responsable de la définition et de l’acquisition des armements et des équipements divers, et par la création du poste de secrétaire d’État à la Défense chargé des achats.
En ce qui concerne le commandement interarmées, le président du Comité des chefs d’état-major (équivalent de notre Cema, Chef d’état-major des armées) voit ses responsabilités renforcées et devient le principal conseiller militaire du président, du ministre de la Défense et du Conseil national de sécurité. Ses nouvelles attributions lui permettent d’intervenir sur la définition des objectifs et l’adéquation des moyens. Il est assisté maintenant d’un adjoint, du rang de général d’armée, chargé plus spécialement de la coordination avec les grands commandements opérationnels.
Le Cema devient un intermédiaire quasi obligatoire dans la chaîne de commandement entre le président et les grands commandants opérationnels. Ces derniers sont désormais les véritables chefs des composantes d’armées placées sous leur commandement, incluant la préparation des forces et non plus seulement l’engagement des moyens.
La réforme porte également sur la création d’une spécialité « service en état-major interarmées », la réduction des deux tiers du nombre de rapports demandés au Pentagone par le Congrès et la réduction, de dix pour cent sur trois ans, des effectifs des états-majors et des agences de défense.
Son but est de remédier aux insuffisances du système d’acquisition des armements mises en lumière, en particulier, par le prix exorbitant payé pour acquérir des équipements de consommation courante, et à celles de la coordination politico-militaire et interarmées, les défaillances de l’organisation du commandement étant apparues lors d’opérations récentes, notamment à Beyrouth et à la Grenade. Elle va en tout cas se traduire par un transfert de pouvoirs des secrétaires et chefs d’état-major d’armée vers le ministre, le JCS et les grands commandements opérationnels.
Aboutissement de près de quarante années de discussions – le rapport de la Commission parlementaire Packard ayant servi de base à la réforme est le trente-sixième sur le sujet depuis 1949 – le contenu de la loi est un compromis très élaboré qui a fait l’objet de nombreuses discussions entre l’Administration et le Congrès. Il s’agit en fait moins d’un démembrement des pouvoirs de chaque armée que d’un effort nécessaire de centralisation se traduisant essentiellement par un accroissement des pouvoirs du Cema et un renforcement radical du rôle des grands commandements opérationnels.
À ce jour, les mesures suivantes ont déjà été prises : désignation de l’adjoint du Cema, réorganisation de l’État-major du JCS, transferts de responsabilités des secrétariats d’armée vers le JCS et le sous-secrétariat aux acquisitions.
En ce qui concerne les grands commandements, le Commandement de la défense aérienne a disparu, ses missions étant réparties entre le Commandement de la défense du continent nord-américain (NORAD) et celui de l’espace (Space command). Sont également prévues la dissolution du Commandement des forces d’intervention (Readiness command) et la création d’un Commandement interarmées du transport militaire.
Quant au Commandement des forces spéciales et au poste de sous-secrétaire « chargé des conflits de faible intensité », leur mise en place devrait intervenir une fois réglé, entre le Congrès et le Pentagone, le différend sur les postes budgétaires.
La réforme, en effet, ne se fait pas sans quelques résistances internes, notamment de la Marine dont le secrétaire, M. Lehman, a démissionné pour protester notamment contre la diminution de ses pouvoirs.
L’application de la loi devrait être revue dans un délai de six à huit mois, notamment dans les domaines posant des problèmes. Il faudra néanmoins plusieurs années pour réaliser progressivement et achever cette réorganisation qui peut être considérée comme un événement majeur dans l’histoire du Pentagone.
NDLR : nous signalons la publication par la revue Défense et armement Héraclès de l’édition française de Soviet Military Power, rapport établi par le Pentagone sur les forces armées soviétiques.