La stratégie soviétique au Moyen-Orient
Cet ouvrage d’actualité pourrait afficher en sous-titres quelques constatations désabusées : « Par Allah, qu’il est inconfortable d’être communiste au Moyen-Orient ! » ou encore : « Par Marx, qu’il est difficile d’appliquer le schéma en pays d’Islam ! »
Poursuivant le rêve d’accès aux mers chaudes et malgré ses sympathies initiales pour Israël, l’Union soviétique a exploité les cartes de l’impérialisme et du sionisme. L’idée était séduisante : aide aux mouvements de libération quitte à se joindre aux prêcheurs du Djihad, participation des partis communistes locaux puisant dans cette manœuvre respectabilité et droit de cité, présence en amie aux côtés des États indépendants « en se coulant dans le non-alignement ». Mais c’était compter sans deux facteurs : d’une part, la complexité et l’instabilité chroniques, accentuées par le développement économique rapide et par les luttes de clans ; d’autre part, l’étanchéité d’un « tissu social fortement figé », raidi par l’intégrisme religieux.
Dans les faits, les Soviétiques ont laissé en toute ingratitude les partis frères « opérer dans l’ombre ». Ainsi le Toudeh, bien mal récompensé de sa participation à la révolution khomeyniste, est assis entre deux chaises. Si la tête de pont du Sud-Yémen, stratégiquement bien placée, offre un laboratoire et constitue un succès, terni il est vrai par les événements de janvier 1986, les Accords de Camp David n’ont pu être évités ; le président Assad n’est pas facile à manier dans son « activisme régional » ; l’Irak enfin, par son attaque contre l’Iran, a embarrassé Moscou réduit à jouer sur les deux tableaux.
Finalement, placée devant un cas de figure inédit, la stratégie soviétique a dû souvent agir au coup par coup en suivant à l’occasion des « directions qu’elle n’aurait peut-être pas toujours souhaité emprunter » et des « États dont elle abhorre la ligne politique ».
Appuyé sur une bibliographie abondante et des références historiques solides, ce livre est ardu comme le sujet lui-même. Sa lecture n’est pas facilitée par une rédaction parfois inélégante (les « efforts tergiversants », page 180), des fautes d’impression (dès la 11e ligne de l’introduction), des répétitions et des ambiguïtés (comment savoir, page 98, si le Sud-Yémen « n’a cessé de lancer des défis » ou « modère ses propensions à la provocation » ?). Ouvrage d’érudition plus que de synthèse, que le lecteur referme pensif, accordant aux auteurs le grand mérite d’avoir analysé à fond le problème. Pouvaient-ils aller plus loin dans un domaine dont on se demande si les protagonistes eux-mêmes connaissent exactement leur chemin ?♦