Armée de terre - L'Armée de terre adopte une nouvelle tenue
L’adoption d’un nouvel uniforme pour une armée n’est jamais un événement mineur. La tenue militaire est en effet le symbole le plus visible de la présence de la Défense dans la Nation. À travers elle, c’est l’image que les militaires veulent donner d’eux-mêmes et acceptée par la société civile qui s’exprime.
L’impact des tenues militaires sur les publics étrangers est également important. Il suffit de se rappeler le rôle joué par les tenues militaires américaines en 1944 dans la définition de l’image des États-Unis de cette époque pour s’en convaincre. L’opposition vestimentaire entre les occupants et les libérateurs traduisait, en fait, non seulement celle de deux systèmes culturels et politiques, mais aussi de deux époques. C’est sans doute ce qui explique l’adoption durable des tenues militaires américaines les plus décontractées par une certaine jeunesse sans qu’elle puisse être taxée de militarisme.
Or, l’Armée de terre française n’avait pas connu de rupture dans la conception de ses tenues depuis 1928, en ce qui concerne la couleur, et depuis 1960 en ce qui concerne les formes.
D’ailleurs, aujourd’hui en France, le kaki ne s’associe-t-il pas à l’image de l’Armée, les aviateurs et les marins, avec leurs tenues bleues, se retrouvant ainsi, de fait, à la marge de ce concept globalisant ?
Les tenues, à l’époque, avaient été conçues pour répondre à des préoccupations de camouflage (le kaki) et de spécificité qui n’ont absolument plus cours aujourd’hui car, en 30 ans, l’Armée de terre a considérablement évolué, comme l’ensemble de la société civile.
Un changement nécessaire
Aussi, devenait-il nécessaire pour elle de changer ses uniformes afin que les hommes et les femmes qui la composent véhiculent une image adaptée à ce qu’ils sont aujourd’hui. Pour cela, elle s’est inspirée de deux principes : la nouvelle tenue devait rester un signe de reconnaissance et de symbole d’un état ; à ce titre, elle devait toujours entraîner une exigence de comportement pour celui qui la porte ; pratique, actuelle, simple et élégante, elle devait pouvoir être portée facilement, en tout lieu et en toutes circonstances, en s’inscrivant dans notre époque et dans notre perception de l’avenir.
Ces deux principes se sont traduits, pour les stylistes de la société Pierre Balmain et le Commissariat de l’Armée de terre, par la tenue « Terre de France ». Ils se concrétisent par : un changement de couleur et de coupe, une réduction du nombre d’éléments de la tenue, une simplification des règlements, des économies.
Modernisation tangible
Pour moderniser et maintenir à la fois l’identité de l’Armée de terre, c’est une couleur « Terre de France » qui a été retenue. Le nouvel uniforme marque donc une véritable rupture avec une hégémonie du kaki vieille de 50 ans. Pour un tel choix, les décideurs se sont entourés de multiples précautions par la consultation de commissions, un sondage et de nombreux tests. Ce sont près de 60 types de tissus et de couleurs qui furent tachés et maltraités sans retenue par des volontaires depuis janvier 1989.
Sondage
|
Défavorable |
Favorable ou très favorable |
Impression globale |
7 % |
93 % |
Couleur |
14 % |
78 % (1) |
Même couleur homme ou femme |
5 % |
95 % |
Modularité |
8 % |
92 % |
Écusson métallique |
21 % |
76 % (2) |
(1) 8 % sans opinion.
(2) 3 % sans opinion.
Ce sondage sur les tenues « Terre de France » a été effectué par le centre de relations humaines de l’État-major de l’Armée de terre entre les 22 et 24 mars 1989. Il a porté sur 500 militaires représentant toutes les catégories de personnel.
La coupe du manteau, de l’imperméable, du vêtement de la femme et de la tenue des militaires du rang a résolument changé, tandis que celle des cadres masculins a été modernisée.
Le manteau et l’imperméable, conçus par le Commissariat de l’Armée de terre, de couleur bronze, ont une forme « loden » avec pattes d’épaule pour le port des galons.
La société Pierre Balmain, elle, a créé une tenue de femme comportant une vareuse croisée 6 boutons portée sur un pantalon à pince ou sur une jupe portefeuille recouvrant un bermuda, ainsi que le blouson des militaires du rang comportant un boutonnage caché et deux soufflets latéraux. Ce blouson sera porté dans un premier temps par 60 000 militaires du rang, masculins ou féminins, engagés volontaires ou appelés ayant des emplois particuliers (secrétaires, conducteurs…).
Par ailleurs, les épaulettes ont été remplacées par des fourreaux adaptables sur tous les effets et portant non seulement les galons mais aussi les insignes d’arme. À noter également que les insignes de col, précédemment en tissu, seront désormais métalliques.
Simplification attendue
Le nouveau paquetage des officiers et sous-officiers comprendra une chemise et une chemisette, un pantalon, une vareuse, un manteau et un imperméable. Celui des militaires du rang, une chemise, un pantalon et un blouson. Le nombre des effets est notablement réduit. L’ancien uniforme des officiers et sous-officiers comportait 9 éléments. Il n’y en aura plus que 6. Celui des militaires du rang ne comportera plus que 3 effets contre 5 précédemment.
Cette simplification va de pair avec une mini-révolution, très attendue par le personnel : la modularité. Les tenues « d’été » et « d’hiver » disparaissent. Le choix du port des différents éléments de l’uniforme est laissé à l’initiative individuelle. Quelle que soit la période de l’année, chacun adaptera son habillement au jour le jour, en fonction du climat et non plus en fonction d’une décision administrative.
Autre nouveauté : les cadres auront le loisir de porter le képi (le tricorne pour les femmes) ou le béret comme bon leur semblera, sauf dans les circonstances exceptionnelles prescrites par le commandement.
Simplification
Ancienne tenue |
Nouvelle tenue |
Officier - sous-officier – vareuse hiver – vareuse été – chemise hiver – chemise été – pantalon hiver – pantalon été – imperméable – manteau mousse – manteau 3/4 |
– vareuse polyester – pantalon polyester – chemise popeline – chemisette popeline – imperméable – manteau |
Militaires du rang – vareuse hiver – pantalon hiver – chemise hiver – pantalon été – chemise été |
– blouson – pantalon – chemise popeline |
Réduction des coûts
Après amortissement des investissements, ce sont 20 millions de francs qui seront économisés chaque année. Réduction du nombre d’éléments, uniformisation de la couleur pour toutes les armes sauf les chasseurs…, de nombreux facteurs y contribuent. 120 millions seront investis en 4 ans puis amortis en 6 ans : un délai rapide compte tenu de la durée de vie d’un système d’habillement.
Vraie pour l’État, cette économie l’est aussi pour les militaires d’active. Après une dotation gratuite exceptionnelle, à compter du 1er janvier 1991, le renouvellement individuel reviendra 20 % moins cher que dans le système d’habillement actuel. ♦