Blackwater : l’ascension de l’armée privée la plus puissante du monde
Blackwater : l’ascension de l’armée privée la plus puissante du monde
Nous sommes le 16 septembre 2007 à Bagdad… Blackwater Worlwide, société militaire privée, s’il en est, se faisait connaître au grand public, au-delà du milieu des experts de la défense. Ce « dimanche sanglant » qui laissa sur le carreau 17 passants irakiens à Bagdad, par le truchement des séides armés de la société américaine a néanmoins permis d’attirer l’attention de l’opinion mondiale sur certaines pratiques, qui mal encadrées, peuvent s’apparenter à un « néo-mercenariat » des plus dangereux, remisant aux oubliettes les codes du droit de la guerre.
À travers une passionnante enquête, menée au cœur du système telle une investigation policière, le journaliste Jeremy Scahill, nous livre ici la version française d’un ouvrage qui s’est vendu aux États-Unis à plus de 100 000 exemplaires, désormais édité en format poche et dont une adaptation cinématographique est en cours de tournage !
Comment une société privée telle que Blackwater, créée en 1997 par d’anciens Seals et d’ex-agents de la CIA et de la NSA, qui a multiplié son chiffre d’affaires par six l’année dernière, a-t-elle ainsi pu décrocher les marchés d’externalisation du Pentagone et du Département d’État les plus importants ? Quels sont ces hommes et ces quelques femmes qui ont raflé plus d’un milliard de dollars pour l’accomplissement de missions autrefois dévolues à la puissance régalienne des États-Unis ? Quelles sont les collusions avec le complexe militaro-industriel et les néo-conservateurs, notamment derrière le vice-président Dick Cheney, « va-t’en guerre » et « jusqu’au boutistes » qui leur assurent contrats et main-d’œuvre ?
Alors que 150 000 GI’s sont actuellement engagés en Irak, on estime que 75 000 hommes sont employés par des sociétés de sécurité privées, sans que l’on sache réellement dans quel cadre juridique ces dernières agissent… Le « renforcement » du théâtre afghan leur ouvre d’ailleurs désormais de nouvelles opportunités, ainsi qu’aux autres acteurs du marché (l’israélien Levdan, les américains Dyncorp et MRPI, le britannique Hart Security, voire la française Secopex).
Alors que les activités d’assistance militaire privée tendent à s’imposer comme une nouvelle norme des relations internationales et connaissent une réhabilitation telle que l’ONU elle-même y a désormais officiellement recours, la loi française datant du 14 avril 2003 limite drastiquement l’activité des SMP française, de telle sorte que la plupart des sociétés installées sur ce créneau restent cantonnées à des activités d’audit et de conseil au détriment de leur propre expertise militaire. Ce cadre juridique, en contraignant les acteurs français de la sécurité privée à un sous-dimensionnement manifeste, n’est-il pas contre-productif ?
Cette interrogation est indissociable d’une réflexion prospective de fond menée sur la politique d’externalisation du ministère de la Défense, notamment dans le domaine de la logistique et de l’assistance militaire, aux armées africaines en particulier. Au risque d’être pris dans son propre piège et d’être contraint d’employer à terme des sociétés militaires privées anglo-saxonnes, l’État n’a-t-il pas au contraire intérêt à favoriser l’expansion de ces sociétés ? Mais alors à quelles conditions ? Avec quels moyens effectifs de régulation et de contrôle ?
Au moment où le phénomène s’amplifie à mesure que les contraintes budgétaires obligent à une révision du format opérationnel des forces armées, l’ascension de l’armée privée la plus puissante du monde semble faire des émules : la société russe Gazprom a désormais recours à sa propre armée privée pour protéger hommes et matériels à travers son développement sur des marchés émergents et à risques.
Compte tenu de la contractualisation à grande échelle des missions de logistique, de la surveillance des biens et des personnes, de la protection rapprochée, de la formation des forces armées locales, de l’entraînement des forces spéciales, ou encore de la privatisation de certaines missions de renseignement humain, les acteurs du juteux marché de la sécurité privée ont encore de beaux jours devant eux. ♦