Alors que le cessez-le-feu de 1954 en Indochine avait été d’emblée strictement respecté, celui de 1973 est resté lettre morte. Malgré le retrait des forces américaines, les Accords de Paris (27 janvier 1973) n’ont pu rétablir une paix véritable au Vietnam : à la « guerre étrangère » ont succédé des combats entre forces adverses vietnamiennes qui ont fait plus de 50 000 tués en un an. Pourquoi cette situation meurtrière qui n’est ni la paix ni la guerre ? L’analyse par l'auteur des négociations ayant abouti aux Accords de Paris fournit des éléments de réponse à cette question. Elle souligne l’évolution subie par le conflit en vingt ans tant dans sa signification que dans son enjeu.
Paix et guerre au Vietnam
Depuis près de trente ans que la guerre a atteint l’Indochine, deux thèses n’ont cessé de s’affronter, qu’il s’agisse de la guerre « française », de la guerre « américaine » ou de la guerre actuelle que l’on pourrait qualifier de « vietnamienne ». La première a toujours affirmé que l’on se trouvait en présence de « nationalistes » qui se rebellaient contre un certain pouvoir, pouvoir étranger « colonialiste » ou « impérialiste », français ou américain. Ces gens, disait-on, sont peut-être communistes mais chez eux le nationalisme est l’élément moteur, entraînant les populations et cristallisant des sentiments plus patriotiques que franchement marxistes ou léninistes. La seconde répliquait qu’il y avait peut-être des éléments nationalistes, mais d’abord et surtout un projet d’implantation d’un communisme d’origine franchement marxiste-léniniste, avec un Parti dont l’âme, l’animateur, a été pendant longtemps Ho Chi Minh et qui poursuivait tenacement le projet d’installer en Asie du Sud-Est, en premier lieu au Vietnam puis, si possible, dans toute la péninsule indochinoise, et même au-delà dans l’ensemble du Sud-Est Asiatique, un pouvoir et un système communistes ralliés à l’ensemble de l’appareil communiste international.
Ces deux thèses sont antagonistes. Dans la première, le « vilain » c’est d’abord le Français, ensuite l’Américain, avec leur cortège de « fantoches » et de « marionnettes » à Saigon, de l’Empereur Bao Daï à Ngo Dinh Diem et aujourd’hui à N’guyen Van Thieu. Dans la seconde, le « vilain » c’est le Communiste, que l’on appelait autrefois « Viet Minh » et qu’on appelle aujourd’hui « Viet Cong ».
La première thèse rassemble essentiellement ceux qu’on peut appeler les « anticolonialistes » et « anti-américains » de toutes nuances, et pas seulement de tendance communiste ou marxiste. Nous en avons beaucoup connus en France, particulièrement à la suite de notre propre éviction d’Indochine, après les accords de Genève. Un sentiment de frustration s’était développé devant l’implantation américaine, au point que quelques-uns en arrivaient à souhaiter une certaine défaite américaine, ne serait-ce que pour prouver que là où les Français avaient échoué, les Américains ne pouvaient pas réussir.
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