La Marche Verte
C’est en 1975 que se noue le conflit du Sahara occidental. Les Espagnols entament, en liaison avec les indépendantistes, un processus d’autodétermination de leur province saharienne. Le Maroc, qui ne veut pas d’un « État fantoche » sur une terre qu’il estime sienne, fait alliance avec la Mauritanie et, par le canal de l’ONU, sollicite l’avis de la Cour internationale de justice. Le 16 octobre 1975, la Cour publie l’avis demandé, où chacune des parties prenantes (Maroc, Mauritanie, Front Polisario) trouvera de quoi renforcer sa position. Le jour même, le roi du Maroc convie son peuple à se porter pacifiquement vers les territoires du Sud, à la rencontre des frères sahariens. La Marche Verte, minutieusement organisée, s’ébranle le 6 novembre. Le 9, le roi l’arrête, avant qu’un contact n’ait eu lieu avec les troupes espagnoles, prudemment repliées : la démonstration a atteint son but et l’Espagne accepte de traiter. Le 14 novembre est signé l’accord de Madrid, prélude au partage de la zone entre Maroc et Mauritanie, prélude aussi à la guerre qui oppose toujours le front Polisario, soutenu par l’Algérie, au Maroc (la Mauritanie s’est retirée de la guerre en 1979).
Hassan II a décidé de célébrer cette Marche très originale, très spectaculaire, et très efficace, en publiant un recueil de textes qui lui permet, alors que le règlement du conflit est dans l’impasse, de présenter à nouveau, et avec beaucoup de force, la thèse du Maroc. Y ont contribué de prestigieuses personnalités, comme Léopold Sédar-Senghor, Georges Vedel, Tahar Ben Jelloun ou René-Jean Dupuy, et de nombreux acteurs, ministres marocains et mauritaniens, dirigeants de parti et indépendantistes repentis (dont le dernier, Omar el Hadrami, membre fondateur du front, a rejoint le Maroc en août 1989). Le témoignage le plus intéressant est sans doute celui de Paul Balta, à l’époque confident de Boumediene, qui éclaire quelque peu les ambiguïtés de la politique algérienne du moment.
Le lecteur ne manquera pas de porter une attention particulière à l’introduction, qui est de la main du roi. Hassan II présente la Marche Verte comme « un modèle pour le règlement pacifique des différends ». Il n’a pas tort, l’initiative a fait école. Certes l’on sait que, les masses mises en branle, la marge est étroite entre non-violence et violence. Mais le discours du roi à son peuple (« Demain, tu fouleras une terre qui est tienne »), cette familiarité et ce respect qui les unissent, a de quoi nous dépayser : les adeptes du bêbête-show y respirent un parfum de paradis perdu. ♦