Métastratégie
On connaît l’œuvre considérable de Jean-Paul Charnay, dont la stratégie et l’islam sont les deux directions convergentes. On se souvient de son Essai général de stratégie (1973), de Guibert ou le soldat-philosophe (1981), et de la précieuse anthologie que constituent ses Principes de stratégie arabe (1984). On sait encore qu’il dirige le Centre d’études et de recherches sur les stratégies et les conflits (CERSC).
C’est une vaste fresque qu’il nous propose aujourd’hui. Le sous-titre en montre l’ampleur : « Systèmes, formes et principes, de la guerre féodale à la dissuasion nucléaire ». L’auteur étudie d’abord les « systèmes socio-stratégiques », révolus ou contemporains. Il passe ensuite en revue les « formes antagoniques », bataille rangée, manœuvre géostratégique, grande guerre et lutte révolutionnaire. Il présente enfin un réexamen des principes de la guerre à la lumière de la dissuasion nucléaire : la concentration des forces culmine dans l’accumulation de la puissance destructrice ; l’initiative est retournée, indéfiniment reportée ; la sûreté est transformée en crédibilité. On notera au passage nombre de formules heureuses. Ainsi de l’application faite en dissuasion d’un vieux principe de droit criminel : « Le but de l’édiction de la peine est de supprimer l’application de la peine » ; ou des considérations sur la durée, « le temps accéléré de la destruction » maintenant figé, le temps de la dissuasion.
Au terme de cette synthèse de la sociologie et de la stratégie, l’auteur voit poindre l’espoir d’une « métastratégie », qui aurait vocation à embrasser tous les domaines de l’activité humaine, et jusqu’à la création artistique. Abusive extension d’une réflexion sur la guerre ou utilisation justifiée de la guerre comme instrument d’analyse, c’est au lecteur d’en juger. ♦