Faits et dires
* Principaux points à retenir du sommet atlantique des 5 et 6 juillet 1990 à Londres : l’Otan doit devenir une institution où Européens, Canadiens et Américains travaillent ensemble, non seulement pour leur défense, mais encore pour la création de nouveaux partenariats avec toutes les nations d’Europe.
Les États membres proposent à ceux de l’Organisation du traité de Varsovie une déclaration commune proclamant solennellement ne plus être des adversaires… Nous invitons tous les autres États membres de la CSCE (Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe) à souscrire avec nous à cet engagement de non-agression.
Les États-Unis seront en mesure d’adopter, dans une Europe transformée, une nouvelle stratégie de l’Otan qui fasse véritablement des forces nucléaires l’arme du dernier recours.
La CSCE devra jouer un rôle plus marqué dans la construction de l’Europe. Nous recommandons la création d’un secrétariat léger et d’un organe parlementaire.
* La France ne partage pas les conceptions stratégiques de l’Alliance, pas plus celles d’hier que celles d’aujourd’hui. Celles d’hier autour de la défense flexible, la bataille de l’avant ; celles d’aujourd’hui sur l’arme nucléaire du dernier recours. Nous ne partageons rien de tout cela. La dissuasion est faite pour empêcher la guerre, l’interdire même et non pas pour la gagner.
Président Mitterrand, à Londres, le 6 juillet 1990
* J’estime sage et utile pour l’avenir que les Européens se préparent à jouer un rôle accru pour leur propre défense.
Président Mitterrand, le 5 juillet 1990
* Le 17 juillet 1990, un accord intervenu à Moscou entre le chancelier Helmut Kohl et Mikhaïl Gorbatchev stipule que l’Allemagne unifiée pourra décider librement à quelles alliances elle appartiendra.
* La crise du Golfe reste incompréhensible sans en établir la chronologie depuis le printemps dernier :
3 mai 1990 : Bagdad critique, sans les nommer, les membres de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) jugés responsables de la surproduction.
17 juillet 1990 : le président Saddam Hussein accuse certains dirigeants du Golfe de pratiquer une politique pro-américaine.
18 juillet 1990 : l’Irak rend public un message remis à la Ligue arabe deux jours auparavant ; le Koweït y est accusé de voler depuis 1980 du pétrole irakien dans la nappe de Roumeilah.
19 juillet 1990 : le Koweït rejette ces accusations et les retourne contre l’Irak.
20 juillet 1990 : l’Arabie saoudite et la Ligue arabe cherchent à désamorcer la crise.
21 juillet 1990 : l’Irak fait grief au Koweït de vouloir une intervention étrangère dans la région en faisant appel à l’ONU à propos de son différend avec Bagdad.
24 juillet 1990 : l’Irak déploie ses troupes à la frontière du Koweït, alors que le président Moubarak se déplace à Bagdad et au Koweït en vue de préparer une réunion quadripartite avec l’Arabie saoudite.
30 juillet 1990 : médiation du roi Hussein de Jordanie.
31 juillet 1990 : ouverture à Djedda des entretiens irako-koweïtiens qui sont suspendus le lendemain sans aucun accord.
2 août 1990 : entrée des troupes irakiennes au Koweït. Aussitôt, les Occidentaux gèlent les avoirs irakiens et koweïtiens.
3 août 1990 : le conseil de la Ligue arabe condamne l’agression. Moscou et Washington invitent tous les pays à suspendre leurs livraisons d’armes à l’Irak.
4 août 1990 : la CEE (Communauté économique européenne) décrète un embargo immédiat contre l’Irak.
6 août 1900 : le Conseil de sécurité de l’ONU adopte des sanctions économiques obligatoires contre l’Irak. Deux abstentions : celles du Yémen et de Cuba.
7 août 1990 : le président Saddam Hussein affirme que l’annexion du Koweït met fin à « un partage colonial ayant placé la richesse entre les mains d’une minorité ». La Turquie et l’Arabie saoudite ferment les oléoducs exportant le brut irakien.
8 août 1990 : le président George H. W. Bush annonce l’envoi de troupes américaines en Arabie saoudite pour prévenir toute invasion.
9 août 1990 : à l’unanimité le Conseil de sécurité déclare nulle et non avenue l’annexion du Koweït. La France fait savoir qu’elle allait envoyer des troupes dans la zone. Le président François Mitterrand, à l’issue d’un Conseil restreint déclare : « La France a souhaité et continue de souhaiter que le problème ainsi posé soit réglé au sein de la communauté arabe ». Bagdad ferme ses frontières aux étrangers.
10 août 1990 : au Caire, un sommet arabe extraordinaire exige l’évacuation immédiate du Koweït et approuve l’envoi de forces arabes dans la péninsule. À Bagdad, le président Saddam Hussein appelle à la délivrance des lieux saints : « Arabes, musulmans et croyants du monde entier, le jour est venu de vous soulever et de défendre La Mecque, capturée par les avant-gardes américaines et sionistes ».
12 août 1900 : le chef de l’État irakien suggère une solution globale des problèmes proche-orientaux sur la base des résolutions du Conseil de sécurité : retrait des Israéliens de Palestine, de Syrie, du Liban ; retrait des Syriens du Liban et départ des forces américaines du Golfe. La proposition est aussitôt rejetée, aussi bien à Washington qu’à Tel-Aviv.
15 août 1990 : Saddam Hussein accepte les accords d’Alger de 1975 fixant la frontière entre l’Iran et l’Irak. Il offre la paix à Téhéran ainsi que l’échange des prisonniers de guerre.
17 août 1990 : le président Bush donne officiellement l’ordre à la marine américaine d’utiliser la force pour faire respecter l’embargo. À Odessa, M. Mikhaïl Gorbatchev précise que l’URSS n’agira que dans le cadre d’efforts collectifs.
18 août 1990 : le gouvernement irakien annonce que les ressortissants étrangers seront dispersés dans les centres névralgiques du pays. Le Conseil de sécurité adopte une nouvelle résolution exigeant le libre départ des étrangers.
27 août 1990 : la Communauté européenne fait savoir qu’elle maintiendra ses missions diplomatiques au Koweït malgré l’ordre de Bagdad d’avoir à les évacuer. L’UEO (Union de l’Europe occidentale) s’associe à la détermination des pays occidentaux et accepte « en principe » le recours à la force pour faire respecter l’embargo. Quant à lui, le Conseil de sécurité interrompt ses consultations visant à cautionner l’usage minimum de la force. À Paris, le président François Mitterrand déclare : « Nous sommes pour l’instant, à la suite de la responsabilité prise par le président irakien, dans une logique de guerre. Toute la difficulté consiste à savoir si on peut en sortir sans renoncer aux objectifs fondamentaux que représente la défense du droit ».
25 août 1990 : le Conseil de sécurité de l’ONU adopte une résolution permettant « de prendre des mesures en rapport avec les circonstances du moment ». Il n’est plus question de recours minimal à la force, mais le président Bush y voit une caution apportée à ses initiatives militaires dans le Golfe.
26 août 1990 : à l’issue d’une visite de M. Roland Dumas à Moscou, la France et l’URSS pressent l’Irak de faire preuve de réalisme, en se conformant à la volonté de la communauté internationale.
27 août 1990 : dans son message à l’Assemblée nationale, réunie en session extraordinaire, le président Mitterrand réaffirme la détermination de la France, « tout en demeurant favorable à tout dialogue utile dès lors que celui-ci sert la paix, à ne rien céder sur les principes, c’est-à-dire sur le droit ».
28 août 1990 : à Oslo, le chef de l’État français reprend ce même thème, mais ajoute : « On ne peut manquer d’observer l’ardeur développée pour tenter de régler le conflit entre l’Irak, le Koweït et ses voisins, et l’assouplissement devant les autres manquements au droit dans les mêmes régions du monde, la Palestine, le Liban et bien d’autres encore ».
30 août 1990 : le ministre irakien de la Défense menace, en cas de recours à la force, de s’en prendre directement à Israël.
31 août 1990 : le secrétaire général de l’ONU est à Amman pour y rencontrer le chef de la diplomatie irakienne. La veille, à son passage à Paris, M. Javier Pérez de Cuellar a précisé qu’il n’était pas question pour lui de négocier les résolutions prises par le Conseil de sécurité. Dans une interview au Figaro, le ministre irakien des Affaires étrangères n’exclut pas une relance du terrorisme en cas de conflit : « Alors, je suis libéré de tout engagement moral à l’égard des gouvernements français, américain ou britannique ».