Défense en France - L'exploitation du renseignement militaire (I)
Recherche, exploitation et diffusion (1)
La parution en février de « Perestroïka et nouvelle doctrine militaire », dossier réalisé par des stagiaires de l’École supérieure de guerre, a permis de se rendre compte que les armées disposaient de soviétologues de qualité. Certains commentateurs ont alors exprimé la crainte que le renseignement militaire ne soit négligé par les responsables politiques et militaires, alors qu’en Allemagne et dans les pays anglo-saxons l’étude des armées soviétiques était au centre des préoccupations. Ce jugement mérite d’être nuancé, car il semble ignorer le travail discret et méthodique, conduit à tous les niveaux, du SGDN (Secrétariat général de la Défense nationale) à l’EMA (État-major des armées) et aux états-majors des trois armées, de la Fatac (Force aérienne tactique) et des théâtres maritimes. Chacun de ces organismes dispose d’une équipe d’exploitation du renseignement et de moyens appropriés de recherche. Leur connaissance des forces soviétiques de l’avant est tout à fait comparable à celle des autres alliés, avec lesquels elle permet de fructueuses confrontations. Il est vrai que des transferts de responsabilité se sont produits, du SGDN et des armées vers l’EMA : la création du CERM (Centre d’exploitation du renseignement militaire) en 1976 a marqué un net progrès, bien que cette centralisation n’ait pas touché la recherche technique, gérée par un service civil qui par ailleurs ne porte pas un grand intérêt au renseignement militaire. Les moyens de recherche électronique (décrits dans cette revue en octobre 1986 et août 1988) sont en effet en activité dès le temps de paix, et devraient être orientés et animés par les responsables militaires, chargés d’évaluer les menaces dans leur domaine de responsabilité, et non par une DGSE « civilisée ».
Les synthèses réalisées par le CERM semblent satisfaire l’autorité politique, mais il est évident qu’elles sont ignorées des médias et de l’opinion. Les moyens de diffusion publique ne sont pourtant pas inexistants. Depuis dix ans, Défense Nationale a publié plus de 50 articles sur la stratégie et les forces soviétiques (2), et la Fondation pour les études de défense nationale (FEDN) une trentaine d’articles et cinq ouvrages de synthèse du GERSS (Groupe d’études et de recherches sur la stratégie soviétique). L’Ifri (Institut français de relations internationales), le CREST (Centre de recherche en économie et statistique), d’autres instituts produisent des études ou organisent des colloques sur le même sujet. Dans ces différentes enceintes, les analyses des généraux (CR) Jacques Laurent et René Ernould sont spécifiquement orientées sur la doctrine militaire soviétique. La question reste posée de savoir si la diversité des centres d’études, génératrice d’émulation, est préférable au rassemblement de toutes les compétences. C’est ainsi qu’il a paru logique que les 3 armées conservent leurs propres experts pour l’étude technique des armements. Cette chronique résume leurs estimations, qui se recoupent en ce qui concerne les caractéristiques générales de la production soviétique, et les tendances de la modernisation en cours (3). Ce jugement sur la qualité des équipements sera nuancé en fin de chronique par l’évocation des graves difficultés que rencontrent l’URSS et son armée : conflits ethniques, oppositions internes et délabrement économique, et qui à court terme amoindrissent notablement la menace.
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