L’Europe ne veut ni d’une pax sovietica ni d’une pax americana, pas plus qu’elle n’est disposée à se soumettre à un condominium soviéto-américain. Elle refuse de se laisser enfermer dans les dilemmes dont l’auteur donne maints exemples et dont les deux termes du jargon politique américain traduisent l’alternative : linkage or decoupling ? Lier les problèmes ou les dissocier ? Ces faux dilemmes et ces vrais problèmes, elle veut les surmonter par une attitude de coopération qui n’exclut pas la fermeté et qui rejette la transformation des anciens antagonistes en complices et celle des alliés en antagonistes.
Les contradictions de la détente : faux dilemmes et vrais problèmes
Séparer ou lier ? Telle est la question. Dans la phase actuelle des relations internationales, à l’intérieur des alliances et entre elles, entre l’Est et l’Ouest, entre le Nord et le Sud, entre États et entre sociétés, un double phénomène contradictoire semble se produire. D’une part il y a différenciation des domaines, des points de vue, des dimensions ou des niveaux de la réalité, qui étaient jusque-là confondus, du moins en apparence. D’autre part il y a mise en relation de ces mêmes aspects indistincts ou isolés, et mise en évidence de leur influence réciproque.
D’une part il y a entente entre adversaires et conflits entre alliés, ou coopération économique et course aux armements, ou coexistence pacifique et lutte idéologique, ou détente à l’extérieur et durcissement à l’intérieur, etc. D’autre part, l’évolution intérieure des alliances et des nations influence plus qu’auparavant leurs rapports extérieurs, et réciproquement ; il en va de même pour l’influence indirecte et réciproque des rapports entre sociétés et des rapports entre États. Précisément parce que le monde international ne peut plus être vu sous l’aspect de deux blocs parfaitement solidaires à l’intérieur et opposés entre eux, précisément parce que la multiplicité des relations contradictoires selon les domaines et selon les acteurs devient à la fois plus évidente et plus importante, les relations entre ces différentes dimensions désormais émancipées apparaissent de manière à la fois plus nette, plus complexe, et plus problématique.
Dès lors, au-delà de l’ambiguïté générale, la question se pose de savoir si, pour comprendre et pour agir, l’on doit faire appel à une stratégie globalisante, qui lierait les dimensions contradictoires en les compensant et en en faisant les éléments d’un marché implicite ou explicite où les intérêts communs sur certains plans permettraient de résoudre les conflits qui se présentent sur d’autres (c’est ce que les Américains appellent le linkage) ou, au contraire, séparer les problèmes au maximum, pour éviter que les terrains d’entente ne soient empoisonnés par les pommes de discorde (ce que les Américains appellent le decoupling).
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