C’est l’articulation complexe entre le droit pénal et le droit des conflits armés qui est analysée ici pour mettre en évidence les réalités de la judiciarisation qui guette les opérations extérieures et laisse le juge souvent isolé face à des faits dont il a bien du mal à apprécier le contexte.
Le contexte juridique des opérations militaires
The Legal Context of Military Operations
The complex articulation between criminal law and the law of armed conflict is here analyzed to make evident the realities of judicial processes that vigilantly back exterior operations, leaving the often-isolated judge to face facts of which he has great trouble assessing the context.
En liminaire, relisons le message du président de la République aux armées lors de sa prise de fonctions en mai 2012 : « Nos militaires, qui assurent la protection de la Nation, méritent en retour que la Nation les protège, notamment d’une judiciarisation inutile de leur action… ». Certes, il convient de relativiser le sentiment d’insécurité juridique à l’origine d’un tel constat : en 2011, 2 645 messages d’événement grave ont donné lieu à 44 enquêtes de commandement. Sur ces 44, seules 22 ont été suivies de poursuites pénales.
Pour autant, le traitement judiciaire des opérations extérieures présente des singularités évidentes (selon le rapport du Centre des hautes études militaires, 61e session, janvier 2012) : la « victimisation » des morts au combat, accompagnée de la volonté des familles de voir désigner un ou plusieurs « responsables » par la justice, ce qu’explique le contexte anxiogène et dramatique de la perte d’un proche par mort violente (typiquement l’embuscade d’Uzbin en Afghanistan en 2008) ; un effet « loupe », car les affaires sont peu nombreuses, mais certaines fortement médiatisées ou peuvent avoir un fort retentissement politique (Rwanda, Côte d’Ivoire) ; les risques inhérents à la spécificité du métier des armes (donner et recevoir la mort), rappelons à ce propos les termes du Code de la défense (article L4111-1 : « L’armée de la République est au service de la Nation. Sa mission est de préparer et d’assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation. L’état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême »).
De là, le souci du chef des armées.
Il reste 90 % de l'article à lire