Défense en France - Les restructuration en 1993
Les mesures de restructuration pour 1993 ont été annoncées par le ministre, du 10 au 16 avril 1992, successivement aux préfets, aux généraux chargés de commandement, aux commissions parlementaires de la défense, puis à quelques journalistes choisis. Ces mesures s’inscrivent dans le plan de modernisation des armées, destiné à les mettre en mesure de remplir leurs nouvelles missions (voir chronique d’avril), en même temps qu’à réduire les effectifs et les coûts. Il ne s’agit là que d’une première étape, l’objectif à moyen terme étant lié à la loi de programmation (voir chronique de janvier), qui pourrait être retardée et raccourcie de deux ans.
Les réductions de l’Armée de terre portent principalement sur la dissolution de la 8e Division d’infanterie (état-major à Amiens et 6 régiments dans l’Aisne), de 3 régiments de réserve générale, et de 6 régiments organiques du 2e Corps d’armée (Baden-Baden), les autres Éléments organiques de corps d’armée (EOCA) étant transférés au Corps européen créé à Strasbourg. Sont également dissous, dans la prolongation du plan « Armées 2000 », 4 commissariats, 11 établissements des services (matériel, génie, subsistances), 2 centres mobilisateurs et directions des travaux du génie. Deux régiments Pluton sont transformés, l’un en artillerie de 155 AU-F1, l’autre en centre de contrôle opérationnel. Les 2 régiments d’acquisition d’objectifs sont fusionnés au sein du 7e RA à Nevers. À Noyon, le 8e RI devient Régiment de circonscription militaire (défense du territoire). Enfin un certain nombre de « délocalisations » sont planifiées : le commandement des écoles de Paris à Tours, diverses formations de Montlhéry à Laon, de Dijon à Fontainebleau, d’Avignon à La Valbonne, de Beauvais à Lille et de Paris à Orléans. L’École militaire préparatoire de La Réunion est transférée au ministère de l’Éducation nationale.
L’Armée de l’air, qui doit perdre plus de 50 avions de combat, transfère la 33e Escadre de Strasbourg (1) à Reims, où la 30e Escadre de chasse (Normandie-Niémen) doit être dissoute. La base de Narbonne est réorganisée, et l’Établissement du matériel de Toulouse sera transféré à Ambérieu (Ain).
Dans un souci d’économie, la Marine regroupe ses moyens dans deux zones portuaires spécialisées : Brest pour la dissuasion océanique et la lutte Anti-sous-marine (ASM), Toulon pour l’action extérieure. Les Super-Étendard sont rassemblés à Landivisiau, le groupement amphibie fait mouvement de Lorient vers Toulon, les sous-marins diesel de Lorient à Brest (2), 2 avisos et 5 chasseurs de mines de Cherbourg à Brest. À terme, Cherbourg et Lorient n’auront plus de mission opérationnelle, les bases de Saint-Raphaël (Var) et Aspretto (Corse) seront peu à peu fermées.
Le Service de santé des armées (SSA) dissout l’Hôpital thermal d’Amélie-les-Bains et crée au Val-de-Grâce une École interarmées qui rassemble 5 écoles d’application (8e année de spécialisation). Les Établissements de matériel et de ravitaillement sanitaires sont regroupés à Bordeaux et Marseille. Il faut noter que, par ailleurs, est entreprise l’importante restructuration de l’Hôpital Percy pour la zone ouest de Paris.
La diminution d’activité des établissements d’armement impose la déflation de certains personnels d’exécution. Le reclassement par mobilité géographique ou professionnelle est proposé à 700 d’entre eux, et dans une cinquantaine d’établissements, 2 600 ouvriers sont susceptibles de prendre leur retraite à 55 ans. En revanche, l’amélioration de la productivité se traduit par le maintien à niveau des effectifs de techniciens (niveau II), par le renforcement de l’encadrement (100 ingénieurs de niveau I par an), et par le recrutement en 1993 de 400 personnels de niveau III.
Le renseignement militaire bénéficie également d’augmentations d’effectifs (Direction du renseignement militaire ou DRM, centre principal Hélios-France). Cet effort sera analysé ultérieurement.
L’ampleur de cette restructuration n’a pas permis de mener une concertation préalable avec les 93 communes concernées. Le préavis de 15 à 18 mois permet maintenant d’engager la discussion sur leur mise en œuvre, entre les préfets, les collectivités et les syndicats. Doté de 80 millions, le fonds de restructuration contribuera à hauteur de 20 à 30 % aux investissements nécessaires, en attendant d’autres aides, européennes en particulier. La cession des terrains, notamment des emprises sur le littoral, sera réservée aux administrations et associations qui s’engagent à ouvrir les sites au public.
Les mesures décidées pour 1993 touchent 16 000 appelés, 4 750 personnels civils et 8 000 militaires de carrière. Il est prévu que ces derniers seront inscrits dans les plans annuels de mutation. La loi de programmation et le budget 1993 devraient confirmer que la déflation des personnels de métier de l’Armée de terre ne compromettra pas ses objectifs de professionnalisation (38 000 engagés opérationnels en 1997) et d’encadrement (32 % en 1997).
Les effectifs prévus en 1997 ont été précisés pour l’Armée de terre, qui perdra au total, de 1989 à 1997, 67 000 hommes. À la fin de 1993, elle aura dissous 2 CA, 3 divisions, 30 régiments sur 185, et 40 formations des services. Il restera à supprimer deux divisions (probablement 1 DB et 1 DI), soit 15 à 20 régiments, et à retirer une division à la Force d’action rapide (FAR) pour constituer des groupements équilibrés. Les réductions supportées après 1993 par les autres armées et la Délégation générale pour l’armement (DGA) ne sont pas connues avec précision (5 à 10 % pour la Marine et l’Armée de l’air). Les déflations de personnels, principalement appelés, procureront à moyen terme des économies insignifiantes, alors que les transferts entraîneront des dépenses supplémentaires, et que les infrastructures (qui parfois ont coûté fort cher) et les terrains abandonnés ne seront pas toujours négociables. Le bilan financier ne pourra donc être établi qu’après définition de la programmation.
Il convient de noter que, contrairement au plan « Armées 2000 », qui avait été imposé par le cabinet du ministre, et qui est toujours l’objet de violentes critiques des commandements territoriaux, les propositions des états-majors, fondées sur des justifications opérationnelles, ont été acceptées par M. Joxe. Quant à la comparaison numérique entre les armées alliées, invoquée par les financiers, elle mérite d’être nuancée. Elle ne tient pas compte en effet du nombre des personnels civils, beaucoup plus importants dans les armées considérées, ni des différences notables entre les conjonctures économiques et politiques, et entre les missions des armées. Elle oublie également le fait que la déflation française a commencé en 1975 :
Évolution des effectifs (en milliers)
|
États-Unis |
Royaume-Uni |
Allemagne |
France (sans les gendarmes) |
1975 |
2 130 |
338 |
495 |
511 |
1990 |
2 118 |
306 |
469 |
461 |
Prévision 1995-1997 |
1 653 |
225 |
370 |
370 |
Réduction en 20 ans |
22,4 % |
33,4 % |
25,0 % |
27,6 % |
Sources : IISS et Sirpa.
Si l’on considère la seule Armée de terre, la déflation, de 1975 à 1992, atteint 21 % en France, 7 % aux États-Unis, 9 % en Grande-Bretagne et 13 % en Allemagne. Elle a porté essentiellement sur les services, les états-majors et les centres de mobilisation (30 à 57 %). ♦
(1) Avant de protester contre cette fermeture, les édiles de Strasbourg se plaignaient des nuisances apportées à la ville par la base aérienne !
(2) Une base de sous-marins doit être construite à Brest, où sont constitués un « groupe d’action sous la mer » et une « force de guerre des mines ».