L’année stratégique 1993
Pour la quatrième fois, l’équipe de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) de l’université de Paris Nord, sous la direction de Pascal Boniface, publie chez Dunod son Année stratégique.
Comme dans les précédentes éditions, l’ouvrage se compose de deux parties. La seconde est la traduction française de la fameuse Military balance publiée par l’International Institute for Strategic Studies (IISS) de Londres. Chacun connaît ce document indispensable présentant pour chaque pays l’état détaillé de son potentiel militaire. En disposer en français est une commodité appréciable.
La contribution essentielle et originale de cet ouvrage est sa première partie où sont passés en revue, selon un découpage géographique auquel s’ajoutent deux thèmes généraux, les principaux événements ayant marqué, sur le plan stratégique et militaire, l’année 1992. Il est difficile de résumer la douzaine de contributions sur quelque deux cents pages. Aussi se bornera-t-on à quelques exemples.
On ne s’étonnera pas qu’à propos de la France, Pascal Boniface consacre un important développement à la doctrine stratégique nucléaire. Conformément aux thèses développées plus longuement dans son récent livre (Vive la bombe, aux Éditions n° 1), il critique, après les avoir exposées, les idées émises ici ou là de dissuasion par la précision et l’abandon des frappes massives. Le cadre de l’ouvrage est sans doute trop étroit pour que l’on ait pu s’y interroger sur la floraison régulière d’idées nouvelles dans ce domaine, d’application problématique, mais pouvant justifier un renouveau d’activité scientifique et industrielle.
Les chapitres consacrés à l’Europe occidentale (Amaya Bloch-Lainé et Yves Boyer), l’Europe de l’Est et centrale (Cedomir Nestorovitch) et l’Eurasie (Roland Lommé) permettent de mesurer à quel point les retombées de la disparition de l’URSS et du Pacte de Varsovie sont à la fois immenses et encore mal mesurables. En témoignent tant le foisonnement des initiatives pour réorganiser l’Otan et lui redonner sens que la réduction des efforts militaires à l’Ouest, dans des proportions parfois telles que, dans les pays les moins importants, c’est la notion même de défense nationale qui est mise en cause. Au centre et à l’est de l’Europe, le processus de décomposition des appareils militaires est sans doute encore plus fort. Dans la logique de cette situation générale, les auteurs montrent bien les efforts assez vains faits de toutes parts pour enrayer la crise yougoslave.
Pour les États-Unis, Alain Carton décrit les efforts, en définitive plutôt cohérents, de l’Administration sortante pour diminuer l’effort militaire américain sans renoncer au leadership mondial ; activisme diplomatique, réorientation des moyens militaires, effort technologique sont les principaux leviers d’une politique que la nouvelle Administration poursuivra sans doute pour l’essentiel.
Le contraste est, par ailleurs, saisissant entre les progrès des négociations sur le désarmement que décrit Michel Drain, progrès d’autant plus faciles qu’ils portent sur une relation Est-Ouest apaisée, et les ventes d’armes, analysées par Jean-Pierre Maulny, qui reprennent de plus belle vers l’Asie.
Les contributions sont rédigées avec le souci d’une information précise et objective du lecteur. Elles font de L’Année stratégique un document de référence utile, aussi bien à l’amateur soucieux de comprendre l’évolution du monde qu’au spécialiste qui y retrouvera commodément les références recherchées. ♦