Marine - Présence en Adriatique : un an déjà !
Le 13 juillet 1992, l’aviso Premier-Maître L’Her, de la flottille de la Méditerranée, rallie le détroit d’Otrante pour participer, au sein d’un groupe de bâtiments de l’Union de l’Europe occidentale (UEO), à la surveillance de l’embargo décrété à l’encontre des pays de l’ex-Yougoslavie : c’est le début de la mission Sharp Vigilance.
Le 29 janvier 1993, un groupe de bâtiments de la force d’action navale, articulé autour du porte-avions Clemenceau avec son groupe aérien et du Transport de chalands de débarquement (TCD) Foudre qui a embarqué des hélicoptères de combat de l’Aviation légère de l’Armée de terre (Alat), appareille de Toulon et rallie l’Adriatique. La mission de ces bâtiments s’inscrit dans un cadre national pour renforcer la sécurité des éléments français engagés au sein de la Forpronu (Force de protection des Nations unies) sur le territoire des belligérants de l’ex-Yougoslavie : c’est le début de l’opération Balbuzard.
Le 15 juin 1993, la frégate Georges Leygues passe sous le contrôle opérationnel de Comnavsouth, autorité Otan chargée de faire appliquer un réel blocus dans le détroit d’Otrante et au large des côtes monténégrines : c’est le début de l’opération Sharp Guard.
Ces trois dates marquent les étapes de l’engagement de la Marine nationale en Adriatique. Après plus d’un an de présence, revenons sur les modalités de la participation des bâtiments et aéronefs aux opérations liées à la crise qui agite les pays de l’ex-Yougoslavie.
Opération Sharp Vigilance
Début de l’été 1992 : en application des résolutions 717 et 757 du Conseil de sécurité de l’ONU, des dispositifs aéronavals de surveillance de l’embargo sont mis en place en Adriatique par l’Otan (opération Maritime Monitor) et par l’UEO (opération Sharp Vigilance).
Pour l’UEO, il s’agit de la première opération navale sur le théâtre européen à laquelle prennent initialement part deux unités de surface italiennes et une française. Elles sont progressivement rejointes par des unités belges, espagnoles, portugaises et britanniques pour atteindre un niveau de cinq à six bâtiments. Les avisos et frégates de Cecmed (commandant en chef pour la Méditerranée) se relaient dans cette flottille UEO pour y assurer la présence d’au moins un bâtiment français. Ce dispositif se complète par des missions de patrouille maritime (Patmar) auxquelles participent aéronefs allemands, néerlandais et français, opérant, pour ce qui concerne les Breguet Atlantic français, à partir de la base de Nîmes-Garons.
Parallèlement, le dispositif Otan qui participe à Maritime Monitor est en place et les deux forces ainsi constituées, travaillant en coopération et sous l’égide de l’ONU, reconnaissent et interrogent jusqu’en novembre 1992 quelque 3 500 navires dont environ 70 sont suspectés de violer l’embargo.
Opération Sharp Fence
Le 16 novembre 1992, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte la résolution 787 qui va vers un contrôle de l’embargo, et dès le 22 du même mois, l’opération Sharp Fence remplace Sharp Vigilance ; il s’agit alors non plus seulement de surveiller, mais bien de contrôler l’embargo à l’égard de la République fédérale de Yougoslavie, notamment en faisant intervenir des équipes de visite dont la mission est de vérifier les cargaisons des navires. Pour mener à bien cette opération, les deux flottilles UEO et Otan coopèrent de plus en plus étroitement, notamment pour le partage des zones de patrouille et la définition, en liaison avec les autorités italiennes, de rades et de ports de visite.
La présence française en Adriatique pour participation à l’opération Sharp Fence s’accroît et ce seront un, puis deux bâtiments (un aviso et une frégate) qui seront présents en permanence au sein de la flottille UEO. De même, pour participer à la permanence de Patmar, nos aéronefs effectuent un vol tous les deux jours, intervenant non plus de Nîmes-Garons ou de Lann-Bihoué, mais à partir de la base italienne de Sigonella.
Opération Balbuzard
Les combats liés à l’offensive des forces armées croates en Krajina du Sud fin janvier ont provoqué des pertes humaines au sein d’un élément français de la Forpronu. Face à l’évolution inquiétante de la situation des militaires français stationnés sur le territoire des États de l’ex-Yougoslavie, le déploiement d’une force aéronavale en Adriatique est décidé le 26 janvier 1993.
Le dispositif Balbuzard est mis en place pour renforcer la sécurité des éléments français de la Forpronu. Au cas où la situation l’exigerait, ce dispositif doit être en mesure de faciliter, par des actions non armées ou par des actions de force, le désengagement d’unités qui seraient en position critique.
Les missions du groupe aéronaval recouvrent les tâches suivantes : reconnaissance aérienne : appui aérien de troupes au sol ; évacuation ou extraction d’un poste par héliportage ; SAR (Search and Rescue) de combat ; soutien médical. Les opérations planifiées comprennent des scénarios d’urgence et des scénarios de retrait à temps.
Par ailleurs et pour donner suite à l’adoption par le Conseil de sécurité de l’ONU de la résolution 816, la France participe depuis le mois d’avril 1993 aux opérations de contrôle de l’interdiction des vols non autorisés dans l’espace aérien de la Bosnie-Herzégovine. Les moyens aériens de reconnaissance, de guerre électronique et de SAR du groupe aéronaval participent, bien entendu, à cette opération.
La composition du dispositif Balbuzard a été ajustée en fonction de l’évolution de la menace pesant sur les éléments français en place dans les États yougoslaves : allégement du groupe aérien du porte-avions dès la fin février ; relève du groupe du porte-avions (placé en alerte à Toulon) par un groupe amphibie puis retour du PA ; relève du Clemenceau par le Foch en juillet et en août.
Opération Sharp Guard
En juin 1993, le conseil conjoint de l’Otan et de l’UEO prend la décision de lancer l’opération Sharp Guard, opération navale conjointe des deux organismes, destinée à faire appliquer non seulement les résolutions 713, 737 et 757 mais aussi la résolution 820 du Conseil de sécurité des Nations unies : il s’agit alors de faire appliquer un embargo maritime à l’égard des pays de l’ex-Yougoslavie, mais aussi un blocus de la République fédérale de Yougoslavie. Une force conjointe Otan-UEO est constituée sous le commandement opérationnel de SACEUR (Commandant suprême allié en Europe) qui en a délégué le contrôle opérationnel à Comnavsouth, renforcé pour cette opération par une cellule d’état-major UEO.
La Marine nationale participe à Sharp Guard sur le plan naval avec une frégate et un aviso, sur le plan aéronaval avec un vol de Patmar à partir de Sigonella tous les deux jours et avec le groupe aérien du porte-avions pour l’appui des unités navales. Elle est également présente dans les états-majors des instances UEO placées auprès des autorités Otan.
Un an déjà !
Après plus d’un an d’opérations liées à la crise qui agite les pays de l’ex-Yougoslavie, quel est le poids que fait peser cette participation sur notre potentiel naval et aéronaval ?
S’agissant des opérations menées pour surveiller, puis contrôler l’embargo, puis le blocus en Adriatique, 23 bâtiments de combat se sont succédé pour assurer une permanence au sein de la force UEO puis de la force conjointe Otan-UEO, totalisant plus de 600 jours sur zone dont plus de 400 à la mer ; l’aviation de Patmar a quant à elle assuré plus de 1 600 heures de vol, soit plus du quart de son activité opérationnelle annuelle. Pour permettre d’assurer la mission, Atlantic et Atlantique de nouvelle génération appartenant aux quatre flottilles stationnées à Lann-Bihoué et Nîmes-Garons ont été sollicités.
Soucieux d’honorer les engagements de la France vis-à-vis de l’ONU tout en gardant un rôle moteur au sein de l’UEO, sans pour autant délaisser ses missions traditionnelles et ses engagements opérationnels sur d’autres théâtres, l’État-major de la Marine a dû solliciter, non seulement les forces du théâtre Méditerranée, Force d’action navale (FAN) et flottille de la Méditerranée, mais aussi celles de l’Atlantique, Groupe d’action sous-marine (GASM) en particulier.
Quant à l’opération nationale Balbuzard, elle dure maintenant depuis la fin du mois de janvier. Depuis cette date, nos deux porte-avions, le TCD Foudre, nos quatre bâtiments de défense aérienne, trois frégates, trois sous-marins d’attaque, trois pétroliers ravitailleurs, ont été engagés au sein du groupe aéronaval. La mission perdure et le Clemenceau, qui avait appareillé dès la fin du mois de janvier 1993, a été remplacé par le Foch en juillet et en août pour bénéficier à Toulon d’une période d’entretien programmé. Depuis le début du mois de septembre, il est de retour en Adriatique, le Foch, quant à lui, se préparant pour une nouvelle campagne d’essais du Rafale marine. ♦