Présentation
En abordant le vaste domaine des transports d’énergie, la revue Défense Nationale souhaite éclairer ses lecteurs sur les interférences multiples entre défense, sécurité et transport international de l’énergie, qui font de ce dernier un élément important de la géostratégie.
Dans l’univers, et plus près de nous dans le système solaire, les transports d’énergie s’effectuent depuis des milliards d’années à une échelle incommensurable, conditionnant la vie sur la Terre. Il suffit d’évoquer l’apport permanent d’énergie solaire, franchissant 150 millions de kilomètres à la vitesse de la lumière et apportant 1 350 watts/m2 (soit l’équivalent d’une tranche nucléaire au kilomètre carré), ou d’imaginer le brassage d’énergie effectué sous la croûte terrestre, dont la nature nous laisse parfois entrevoir les soubresauts volcaniques, pour réaliser l’importance des phénomènes en jeu.
Ce dossier se place à l’échelle bien plus modeste des transports d’énergie liés aux activités humaines, qui appellent au préalable deux remarques. En constituant, au cours de centaines de millions d’années, du carbonifère au crétacé, des réserves d’énergie fossile, par lente maturation de végétaux et micro-organismes, la nature ne les a pas forcément placées à proximité de leurs utilisateurs arrivés beaucoup plus récemment sur la planète, entraînant de ce fait un besoin de transport ; par ailleurs, ces quelques derniers siècles de consommation accélérée de ces réserves ne représentent que le millionième de la durée de leur constitution, ce qui suggère à l’évidence de nécessaires remises en cause pour les siècles à venir.
Les mouvements d’énergie, conséquence de ces décalages dans l’espace et dans le temps, ont accompagné l’évolution de l’humanité, depuis la maîtrise du feu, l’emploi des chevaux, des esclaves et des forçats, les déplacements de main-d’œuvre, et ont suivi le progrès technique. Ils ont été accompagnés d’un cortège de bouleversements, de remises en cause des équilibres géostratégiques. Les facteurs géographiques — injustices de la nature ou sources momentanées d’avantages stratégiques — ont été contrecarrés par des innovations majeures : nouvelle technique de construction des navires, contournement de l’Afrique par la façade atlantique, percement de Suez et de Panama… Les transports ont ainsi fait évoluer les foyers de tension et les nœuds de communication se sont déplacés. La puissance a changé de mains et les routes précaires ont été remplacées.
Le charbon a eu, avant le pétrole, ses moments d’importance stratégique : les bouleversements du passé laissent à penser que l’avenir nous réservera également des évolutions importantes, que nous tentons de préciser dans ce dossier qui comprend trois chapitres consacrés plus particulièrement aux grands flux intercontinentaux : présentation générale des transports d’énergie, transports maritimes de pétrole brut et de produits pétroliers par Gérard Loiseau, directeur des transports maritimes d’Elf ; transport du gaz naturel par pipelines et par bateaux de gaz liquéfié par Michel Romieu, président d’Elf Aquitaine Gaz.
À la suite du récent Congrès mondial de l’énergie de Tokyo en octobre 1995, il existe sur ce thème une documentation abondante, rendant inutile de présenter un inventaire exhaustif. C’est pourquoi les auteurs ont tenté d’attirer plutôt l’attention sur les aspects pouvant concerner la défense et la sécurité, tout en formulant des perspectives d’évolution. ♦