Marine - Les nouvelles structures de l'entretien « flotte »
La chronique de décembre 1994 brossait le tableau de l’entretien « flotte », en expliquait les besoins, les ressources et l’enjeu. Celle-ci se propose de prolonger la réflexion et de parler de l’organisation de l’entretien du matériel naval qui est en effet l’objet d’un particularisme dont la marine est friande et qui la distingue des autres armées. Il est vrai que, comme souvent, l’histoire l’explique et que, bien entendu, les faits en justifient le fondement.
L’entretien « flotte » est confié à la Direction des constructions navales (DCN) pour une partie importante et aux équipages des bâtiments et aux différents ateliers militaires, embarqués ou non, pour l’autre partie. Le partage relève de considérations techniques, industrielles et opérationnelles et d’une savante entente entre les différents acteurs. L’unité de cet ensemble apparemment disparate est assurée par une tutelle globale et unique exercée par le Chef d’état-major de la marine (CEMM) : pour la définition des programmes d’entretien, il a autorité sur la DCN, alors qu’elle relève du Délégué général pour l’armement (DGA) pour leur réalisation. Le CEMM exerce en effet la responsabilité non partagée de la préparation des forces maritimes.
Ces grands principes sont intangibles et ont survécu aux changements récents ayant touché la Défense (plan « Armées 2000 »), la Marine (plan « Optimar ») et, plus récemment encore, la DCN avec la réorganisation qu’elle est en train de mener. Cette dernière s’est en effet engagée dans un processus qui vise à distinguer les fonctions étatiques (« donneur d’ordres » et « contrôle ») des fonctions industrielles (« réalisation ») en créant deux entités distinctes : le service des programmes et de la coopération internationale (étatique) et le service industriel. Il ne reste que deux points communs entre ces deux parties : le directeur des constructions navales pour garantir la cohérence de l’ensemble, et le service de l’administration générale pour éviter les duplications dans ce domaine. Ce partage s’effectue à l’échelon central comme dans les établissements.
Pour l’entretien « flotte » qui constitue la dernière phase de cette distinction, cela se traduit par l’organisation suivante : pour la partie étatique, la Sous-direction flotte en service (SDFS) avec deux relais locaux baptisés Sections flotte en service (SFS) à Brest et à Toulon qui sont les deux principaux ports d’entretien (l’activité en ce domaine des ports de Cherbourg et de Lorient est couverte par la SFS de Brest) ; pour la partie industrielle, les différents établissements du service industriel de la DCN.
La nouveauté vient pour l’essentiel de la création des SFS. Ces structures relevant de la DCN ont une composition mixte qui marque bien la complémentarité intime de la Marine et de la DCN dans l’entretien « flotte ». Ainsi, le chef de chaque SFS est un ingénieur en chef de l’armement alors que son adjoint et remplaçant désigné est un capitaine de vaisseau. Les bureaux ou cellules de cet organisme se composent également d’un échantillon ouvert de compétences. Les SFS effectuent le diagnostic d’état du matériel, élaborent les devis et contractualisent les travaux avec les organismes réparateurs civils et militaires. Elles assurent le suivi financier et la recette technique des travaux, en liaison avec les autorités de la marine concernées. Elles sont également responsables du suivi de la configuration des navires afin que des bâtiments d’un même type ne diffèrent pas au fil des années par le jeu de modifications apportées aux uns mais non aux autres.
L’amélioration de la qualité globale de la prestation entretien « flotte » étant un des principaux enjeux de la réorganisation, un soin particulier a été pris pour doter les SFS de capacités d’expertise et de contrôle. Pour cela, une cellule mixte d’expertise et de contrôle (Cemec) a donc été créée au sein de chaque SFS ; elle regroupe l’ancien Service de contrôle du matériel naval (SCMN) composé de marins, et un certain nombre d’experts de la DCN. Pour bénéficier de toute l’expérience acquise, sa direction est assurée par l’ancien commandant du SCMN.
Les commandants de bâtiments, sous le couvert de leurs autorités organiques, pourront ainsi s’adresser à la SFS pour faire établir des diagnostics sur l’état de leurs installations, préludes aux travaux de maintenance. Ils lui adresseront ensuite les listes de travaux de réparations qu’ils estiment nécessaires d’accomplir avec un ordre de priorité dont ils sont responsables. Le dialogue avec la SFS permettra d’arrêter définitivement les travaux retenus compte tenu de l’enveloppe financière attribuée et d’en ordonner alors la réalisation aux services réparateurs. La coordination entre les différentes autorités organiques d’un même port et la SFS est assurée par une Commission mixte d’entretien (CME), présidée par l’amiral adjoint logistique du commandant d’arrondissement maritime (le major général de port), chargé de coordonner les soutiens civils et militaires.
Cette organisation qui se met en place à partir de janvier 1995 doit se roder et s’enrichir du fruit de l’expérience de chacune des parties, marine et DCN. Il est ainsi prévu d’effectuer un bilan de ces mesures après deux ans de pratique pour apporter d’éventuels ajustements ; deux ans pour faire évoluer l’image des ports et les habitudes de travail, pour créer des relations nouvelles, dans le souci d’une meilleure qualité et d’un moindre coût, mais sans oublier la finalité qui guide les trois partenaires, marine, DCN étatique et DCN industrielle : ensemble maintenir dans les meilleures conditions la disponibilité opérationnelle de nos forces. ♦