Gendarmerie - Réorganisation des unités de recherches de la Gendarmerie
François 1er est-il le fondateur de la gendarmerie ? La question mérite d’être soumise à examen et réflexion, tant il est vrai que ce personnage marquant de l’histoire de France eut une influence considérable sur les profondes mutations, la véritable révolution qu’amorça cette institution au début du XVIe siècle. Principal artisan du déploiement de la maréchaussée sur le territoire du royaume, François 1er fut, en effet, à l’origine de l’accroissement du nombre des cas prévôtaux, lorsque, par l’ordonnance de Paris du 25 janvier 1536, il étendit solennellement la compétence judiciaire de la maréchaussée, jusque-là limitée aux seuls méfaits commis par les gens de guerre, à l’ensemble des crimes de grand chemin, que leurs auteurs fussent militaires ou civils, vagabonds ou domiciliés. Juges bottés à la justice expéditive, farouches serviteurs de l’ordre chargés de « parcourir leur ressort en d’incessantes chevauchées », à la recherche des bandes « vivant sur le peuple sans payer, faisant maux et outrages, foules et oppression », les prévôts des maréchaux et leurs archers se virent alors conférer, par cette ordonnance, des missions étendues de police dans les campagnes et sur les voies de communication, point de départ de la fonction policière exercée ainsi, depuis plus de quatre siècles et demi, par la gendarmerie.
Depuis le Code de brumaire an IV, la doctrine et la pratique juridiques opèrent, dans l’exercice des missions policières, une distinction entre la police administrative, qui a pour but de prévenir les infractions, et la police judiciaire, qui vise à les réprimer en livrant leurs auteurs à la justice. Application de la théorie de la séparation des pouvoirs, cette distinction, qui permet de définir le domaine de la responsabilité et de la compétence contentieuse de chaque ordre de juridiction, conduit à scinder l’activité policière en deux volets situés en amont et en aval de la transgression de la règle de droit. Ainsi, l’article 148 du décret organique du 20 mai 1903, qui définit le cadre général de la fonction policière de la gendarmerie, précise-t-il que son objet est « d’assurer constamment sur tous les points du territoire l’action directe de la police judiciaire, administrative et militaire ». Pour ce qui est, plus spécifiquement, de la police judiciaire, qui représente une part croissante du service de la gendarmerie (soit, en 1994, 36,15 % de son activité), des évolutions significatives sont intervenues, ces dernières années, à partir de la professionnalisation et de la spécialisation à la fois des personnels, des techniques et des unités. Dans ce dernier domaine, une réorganisation est, à l’heure actuelle, en cours de réalisation, compte tenu de la volonté de la direction générale de la gendarmerie d’optimiser les moyens dont elle dispose afin de remédier à la croissance de la délinquance et de l’insécurité.
Avant d’évoquer les grandes lignes de cette réforme, il convient, tout d’abord, de présenter brièvement le dispositif que forment ces unités de recherches. En effet, si les brigades territoriales ont constitué, par-delà les époques, la structure de base de son activité de police judiciaire, la gendarmerie a également mis en place, dès le début des années 60, des unités spécialisées dans le domaine de la recherche et de la répression des crimes et délits. Des brigades de recherches avaient déjà été constituées après la Seconde Guerre mondiale dans certaines compagnies, en application d’une circulaire du 31 octobre 1945. Les modifications introduites par la mise en œuvre, en 1959, du nouveau Code de procédure pénale allaient ensuite, en grande partie, conditionner le développement de ces unités, qui se répartissent aujourd’hui en deux catégories : d’une part, les unités de terrain qui, aux côtés des brigades territoriales, sont responsables des enquêtes de police judiciaire (et qui sont concernées par la réorganisation actuelle) ; d’autre part, les unités de soutien chargées du renseignement judiciaire, de l’assistance technique et de la formation complémentaire.
Implantées dans les compagnies particulièrement confrontées aux phénomènes de délinquance, les brigades de recherches (BR) ont pour mission d’apporter un concours aux brigades territoriales lors des affaires judiciaires nécessitant le renfort d’officiers de police judiciaire (soit, en moyenne, de six à huit sous-officiers ayant la qualification d’OPJ) ou la mise en œuvre de techniques relevant de la police technique et scientifique. Sur décision du commandant de compagnie, la brigade de recherches peut également suppléer les brigades territoriales dans les affaires judiciaires requérant une grande disponibilité de la part des enquêteurs et des procédés spécifiques d’investigation. Dans la compagnie où est implanté le commandement du groupement de gendarmerie départementale, la brigade de recherches prend l’appellation de brigade de recherches départementales (BRD). Si elle remplit au profit du commandant de compagnie des missions analogues à celles des autres brigades de recherches, cette unité peut également, sur l’ensemble du département, assister le commandant de groupement lorsque celui-ci prend la direction d’une enquête judiciaire, ou bien alors être mise à la disposition d’un des commandants de compagnie du groupement en renfort des moyens déjà placés sous son commandement. À partir de 1975, des sections de recherches (SR) se sont substituées aux brigades de recherches situées au siège des cours d’appel. Elles ont pour mission d’assister les brigades territoriales et celles de recherches dans le domaine de la police technique et scientifique, mais aussi d’effectuer les enquêtes judiciaires relatives à la grande criminalité, notamment s’agissant des homicides, des violences graves contre les personnes, des attaques à main armée, des cambriolages et trafics importants, des infractions concernant le droit pénal des affaires.
Dans chaque groupement, des brigades départementales de renseignements judiciaires (BDRJ), se substituant au centre de rapprochement des renseignements judiciaires (CRRJ) mis en place, dès 1967, dans chaque région de gendarmerie, ont été constituées, par une décision du 21 décembre 1984, afin de centraliser les informations judiciaires collectées par les unités territoriales et de permettre ainsi, par recoupement, d’identifier les auteurs d’infractions, mais aussi d’alimenter ou de consulter d’initiative ou à la demande d’une unité le système Judex (1). Les données collectées et exploitées par les différentes BDRJ sont ensuite centralisées et traitées au niveau national par le service technique de recherches judiciaires et de documentation (STRJD), qui est rattaché au centre technique de la gendarmerie nationale (CTGN) installé à Rosny-sous-Bois. Au sein du STRJD, un centre de coordination des renseignements et des informations judiciaires (CCRIJ) a été mis en place, en 1985, afin de coordonner la recherche des renseignements au profit des unités.
Depuis octobre 1987, la gendarmerie s’est enfin dotée d’un institut de recherche criminelle (IRCG), spécialement chargé d’apporter son aide aux unités de recherches dans le domaine de la police technique et scientifique. Ce laboratoire, qui est constitué de plusieurs départements spécialisés (balistique, acoustique, toxicologie, chimie-biologie, lophoscopie, documents, imagerie, informatique-électronique, physique optique, incendies-explosifs, médecine légale, odontologie, entomologie), peut être saisi sur demande des unités (examens techniques et scientifiques) et sur décision des juges d’instruction (expertises judiciaires). En ce qui concerne la formation des personnels, précisons également que des stages de perfectionnement ou de spécialisation sont organisés par le centre de perfectionnement de police judiciaire (CPPJ) de Maisons-Alfort (stages de formation des techniciens en identification criminelle, des enquêteurs en investigations criminelles, des moniteurs-relais toxicomanie et des instructeurs des écoles ; stages de qualification particulière permettant d’améliorer la formation des enquêteurs dans certains domaines, comme la délinquance informatique, les techniques d’interpellation et de filature ou encore les faux documents ; stages de perfectionnement destinés aux gendarmes venant de réussir l’examen d’OPJ et aux techniciens en identification criminelle ; stages d’information s’adressant aux gendarmes des États francophones et aux responsables des unités de recherches).
Composées de personnels spécialisés dans la police judiciaire (2), ces unités de recherches témoignent, par leur développement actuel, de la montée en puissance de cette activité au sein de la gendarmerie. S’agissant de la réorganisation en cours, elle s’articule autour de trois principaux axes : le maintien des sections de recherches et le renforcement des principales brigades de recherches départementales ; la suppression des équipes de recherches (brigades de recherches à effectif réduit) ou leur transformation en brigades de recherches (avec un effectif minimal de quatre sous-officiers) ; le maintien ou le renforcement des autres brigades de recherches, en particulier celles implantées au siège des tribunaux de grande instance. Destinée à mettre en place un dispositif plus resserré et plus efficace, de manière à corriger la trop grande dispersion des enquêteurs et à assurer une adéquation des moyens en personnel avec les caractéristiques locales de la délinquance et de l’insécurité, cette réforme correspond, tout particulièrement, à une meilleure prise en compte du caractère de plus en plus mobile, complexe et polymorphe de la moyenne et de la grande délinquance. ♦
(1) Véritable mémoire judiciaire du gendarme, le système Judex (système judiciaire de documentation et d’exploitation) assure le traitement informatique et télématique des informations judiciaires.
(2) L’enseignement des procédures et techniques de police judiciaire constitue d’ailleurs un volet important de la formation initiale et continue des officiers et sous-officiers de gendarmerie, le succès à l’examen d’officier de police judiciaire étant, dans la gendarmerie départementale, la condition et le point de départ de tout avancement dans le corps des sous-officiers.