Editorial
Éditorial
Une année se termine avec de nouvelles équipes en place en Russie, en France, aux États-Unis, en Chine… Avec un désengagement militaire du front afghan mais aussi des désordres tragiques en Syrie et inquiétants au Nord-Mali où des perspectives d’intervention se précisent dont la France assumera sans doute sa partie, avec retenue et pragmatisme.
Une année se termine avec un nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale qui va adapter le cap aux réalités stratégiques nouvelles, en Europe et autour du conti-nent eurasiatique, mais aussi dans le monde pour préserver une mondialisation vertueuse. Aux réalités budgétaires aussi car une croissance durablement atone ne permet plus de tout assumer et qu’il faut changer de modèle de défense. Aux réalités structurelles enfin, car l’intégration plus poussée de la défense dans l’économie nationale conduit non seulement à rationaliser les organisations comme la RGPP l’avait entrepris mais à mettre en œuvre un véritable continuum économie-défense pour disposer des moyens de la sécurité du pays. On comprend que beaucoup s’inquiètent de ce changement de portage qui consacre de façon sans doute irréversible la fin d’une époque militaire commencée il y a bien longtemps.
Réduire la capacité d’action classique de la France rend plus nécessaire que jamais sa participation résolue et inventive à la sécurité européenne, base de la prospérité régionale, en liaison étroite avec ses voisins continentaux et méditerranéens. La France doit aussi continuer à prendre toute sa part de la stabilité mondiale, non seulement parce que ses outremers l’exigent mais parce que sa dépendance aux flux économiques mondiaux s’est accrue. Ces réalités dessinent l’espace de sécurité de la France et engagent sa responsabilité militaire. Il lui faut renforcer la construction d’un pôle stratégique stabilisé, plus cohérent, plus solidaire « de l’Atlantique à l’Oural et du Cap Nord au Sahel » car telle est la vraie dimension de la grande Europe dans la planète à venir. Il lui faut prendre une part active au maintien du libre exercice et à la sûreté des flux stratégiques mondiaux (maritime, cybernétique, spatial, monétaire) parce que le déploiement de l’économie au grand large des marchés émergents est une condition de la prospérité, de la liberté d’action et de l’autorité internationale du pays.
Il faut aussi renforcer la capacité de la France à savoir, comprendre, parer, agir dans les domaines moins conventionnels, ceux de la diplomatie de défense, on l’a vu, ou ceux du renseignement. La diversité des entreprises de sécurité à développer dans ces domaines exigeants qui se partagent mal, leur technicité et leur cohérence d’ensemble supposent de nouvelles réflexions et de nouvelles mobilisations.
Le renseignement, la diplomatie de défense, la capacité d’influence relèvent de la souveraineté du pays comme l’industrie de défense, la diplomatie et les forces armées. Voilà des pistes à explorer pour les temps à venir ; elles dessinent une nouvelle nécessité de défense et une nouvelle ambition stratégique plus globale pour le pays.