Sortir d’une approche proverbiale du renseignement, construire les bases scientifiques d’une démarche de renseignement suppose d’en connaître les fondements épistémologiques et de démêler les fils des différentes écoles tentées d’en accaparer l’approche.
Pour une théorie moderne du renseignement
For a Modern Theory of Intelligence
Leaving behind the proverbial approach to intelligence, constructing the scientific bases of a measure for intelligence supposes that one is familiar with the epistemological foundations and the detangling of different schools attempting to monopolize the approach.
Héritière des pratiques de la Résistance, la communauté française du renseignement s’est longtemps enorgueillie d’une culture de l’action clandestine aux dépens de la production de connaissances stratégiques. L’analyse, parent pauvre du renseignement, a souffert d’une image peu valorisante. D’une qualité plutôt médiocre comme en témoigne avec franchise Michel Rocard, ancien Premier ministre, elle n’est pas plus appréciée au niveau opérationnel parce que souvent jugée trop abstraite et en décalage avec la réalité. Dans la réflexion qui suit, l’auteur propose de mettre en évidence la faiblesse épistémologique du renseignement et d’esquisser les bases d’une réflexion en faveur d’une théorie moderne du renseignement.
Une science proverbiale
La « science » du renseignement est pauvre. « De L’art de la guerre de Sun Tzu » aux traités de Frédéric II, Ray de Saint Genies (1754), Sionville (1756), Maurice de Saxe (1757) (1), le « plus vieux métier du monde » repose sur une épistémologie primitive dont les maximes constituent le principal héritage. En France, c’est Montluc qui fait encore référence : « Si l’ost sait ce que fait l’ost, l’ost bat l’ost », suivi d’Auguste Comte : « Savoir pour prévoir afin de pouvoir » (2).
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