Dans ce texte engagé, l’auteur qui est aussi un praticien rappelle que la pensée stratégique doit se déployer à partir du réel dont les meilleurs observateurs sont les diplomates et les espions. Tous deux doivent expliquer et détecter les situations dangereuses et les intentions hostiles pour permettre au politique d’y faire face pour la sécurité du pays. Rien ne serait plus dangereux que l’aveuglement d’un conformisme aveugle.
Analyse stratégique et renseignement
Strategy and Intelligence Analysis
In this engaged text, the author, who is also a practician, recalls that strategic thinking should deploy itself on the basis of the best observers: diplomats and spies. These two must explain and detect dangerous situations and hostile intentions in order to permit politics to face these for the security of the country. Nothing is more dangerous than the blindness of blind conforming.
« Une armée sans agents secrets est un homme sans yeux ni oreilles ». Ainsi s’achève L’Art de la guerre de Sun Tzu. Toute l’œuvre du stratège chinois du Ve siècle avant notre ère est un hommage à l’intelligence en guerre : le bon général, utile à son Prince, quand il lance son armée dans la bataille sait de façon certaine qu’il va être vainqueur, car il a étudié auparavant tous les facteurs de ce combat et connaît parfaitement la situation de l’ennemi grâce à ses espions. Il devra éviter la bataille par tous les moyens s’il n’a pas cette certitude.
L’incipit de son traité est par ailleurs sans ambiguïté. Sun Tzu dit : « La guerre est d’une importance vitale pour l’État. C’est le domaine de la vie et de la mort ; la conservation ou la perte de l’empire en dépendent ; il est impérieux de bien le régler. Ne pas faire de sérieuses réflexions sur ce qui le concerne, c’est faire preuve d’une coupable indifférence pour la conservation ou pour la perte de ce qu’on a de plus cher et c’est ce qu’on ne doit pas trouver parmi nous » (1).
Ne pas faire de sérieuses réflexions sur la stratégie, celle de l’État comme celle des Armées, est le reproche qu’un rapport de la Commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat de 2011 fait à l’outil d’anticipation stratégique créé par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, déclarant la faillite de notre politique en la matière. Le rapporteur qualifie même d’« aveuglement collectif » son incapacité à prévoir les évolutions géostratégiques, allant jusqu’à parler de « sclérose d’une pensée monolithique, de statu quo, voire confisquée par les mandarins ». Ce rapport, très sévère, dénonce les schémas traditionnels, le conformisme intellectuel empêchant l’émergence d’une pensée de rupture et ne dédouane pas l’échelon politique, accusé de n’accepter que les notes qui confortent ses certitudes ou ses choix.
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