La Chine contre l’Amérique - Le duel du siècle
La Chine contre l’Amérique - Le duel du siècle
L’affrontement entre les deux puissances mondiales est pour les deux journalistes spécialistes des questions internationales, Alain Frachon et Daniel Vernet, inévitable. Il peut aller jusqu’à la guerre.
D’une étude approfondie de l’histoire des relations sino-américaines, complétée par une enquête d’actualité menée aux États-Unis et en Chine, les deux auteurs tirent des conclusions alarmantes. Au départ pourtant, la situation est favorable ; il y aurait eu chez les Chinois un rêve américain, celui d’une réussite dans la modernité, qui ferait des États-Unis un pays différent d’une Europe de tradition colonialiste à laquelle est attaché le souvenir des traités inégaux qui ont rabaissé la Chine. L’Amérique attire ; nombreux sont les Chinois qui vont aux États-Unis par ce que l’on appelle les « autoroutes du Pacifique ». Mais l’Amérique a son leadership. Frachon et Vernet évoquent Hillary Clinton et son livre L’Amérique et son siècle du Pacifique ; ils analysent les discours du président Obama à Cambera et au Pentagone en juillet 2012, dans lequel le Président américain propose un partenariat transpacifique. Mais les Américains soulignent qu’ils n’entendent « rien céder » sur la sécurité et ils exigent une parité plus favorable du Yuan Chinois. Peut-on diagnostiquer aux États-Unis le cauchemar d’un déclin face à l’essor de la puissance économique chinoise ? Les critiques sont vives contre l’idée d’un « bond géant chinois ». D’abord son mépris des droits de l’homme. Ensuite, une critique et une mise en question américaine de la croissance chinoise dont la durée serait compromise par les surinvestissements. Surtout la vocation pacifique de la Chine est mise en doute. Les experts américains reprennent les conclusions d’un éminent historien auteur du livre de référence The Tragedy of Great Power Politics, John Mearsheimer ; la Chine sera entraînée par la recherche de puissance ; pour beaucoup d’experts, le choc sino-américain est inévitable.
Du côté chinois, selon Hu Jin Tao et Wen Jiabao, on reste néanmoins apparemment fidèle à la volonté de prudence et au « plafond bas » défini en une formule célèbre par Deng Xiao Ping. La controverse oppose les États-Unis qui souhaiteraient que la Chine devienne « actionnaire responsable du système international » et la Chine qui affirme ne pas vouloir reprendre le fardeau de l’Amérique. Les auteurs ont eu un entretien approfondi avec le colonel Liu Ming Fu, critique véhément du leadership américain et des tentatives américaines d’encerclement de la Chine.
Frachon et Vernet s’étendent assez longuement sur les faiblesses chinoises. Ils évoquent le malaise à Pékin à la veille du renouvellement de la direction du parti communiste en décrivant les embarras causés par l’affaire Bo Xi Lai, sans percevoir toutefois que ces troubles peuvent être interprétés comme le succès de la méritocratie sur les « fils de princes ».
Les auteurs présentent une analyse des forces en présence utile mais qui dramatise la situation de conflit entre les États-Unis qui rassemblent leurs alliés dans une coalition qui va du Vietnam à l’Australie avec la nouvelle base au Nord de Darwin, en passant par la base située dans l’île Sud-coréenne de Jeju et bien entendu Taiwan, face à une Chine isolée dans sa volonté de protéger, non sans arrogance, les conquêtes de l’empire Xing. Ce face-à-face inquiétant laisse, de manière un peu surprenante, la fédération de Russie en dehors du jeu. Le livre s’achève sur une plaintive interrogation : l’Europe n’aurait-elle rien à dire ? L’Europe qui, pour les Américains eux-mêmes, s’est marginalisée.