Guide de l’espionnage et du contre-espionnage. Histoire et techniques
Essentiellement militaire et politique jusque dans un passé récent, de plus en plus scientifique et industriel aujourd’hui, le renseignement a toujours joué un rôle capital dans les conflits, ouverts ou non, entre États. Espionnage et contre-espionnage ont suscité une littérature abondante où, le plus souvent, l’imagination l’emporte sur l’analyse objective et la véracité des faits. Le guide que nous proposent les deux auteurs se distingue de la plupart des ouvrages du même type par son professionnalisme. Cette véritable encyclopédie, qui se présente surtout comme un répertoire historique et technique, traite principalement de ce que l’on appelle « le renseignement extérieur de l’État », autrement dit les données que tout gouvernement s’efforce de recueillir sur les pays étrangers, leurs intentions politiques et stratégiques, leurs potentiels militaires et économiques, leurs agents et les entreprises hostiles qu’ils pourraient conduire contre lui. Ce dernier aspect définit le contre-espionnage.
Le document du général de brigade (CR) Faure et de l’ingénieur de l’armement d’Aumale (ancien élève de l’École polytechnique) nous présente 1 200 sujets classés par ordre alphabétique. Les articles couvrent différents thèmes : biographies (hauts responsables des services du renseignement, agents d’influence, transfuges, espions célèbres, matériels, organisations officielles et officieuses, grandes opérations de désinformation et de recherche du renseignement, événements marquants…). Dans le registre passionnant des biographies, le lecteur découvre ainsi les aspects insolites de certaines personnalités : la fonction d’honorable correspondant à Joséphine Baker, chargée de recueillir des informations lors de ses tournées de spectacles à l’étranger pendant la Seconde Guerre mondiale, les « services » rendus à l’Oni (Office of Naval Intelligence) par Ernest Hemingway pendant un voyage dans les pays du Pacifique (le romancier américain aurait ainsi annoncé au milieu de l’année 1941 l’imminence d’une attaque japonaise contre la flotte de guerre des États-Unis), les missions de l’écrivain britannique William Somerset Maugham au profit du MI 6 pendant la Première Guerre mondiale, etc.
Dans le domaine captivant des actions de désinformation, les commentateurs retiendront notamment l’opération anglo-américaine Fortitude (ensemble des mesures de déception menées pendant plusieurs mois en vue de tromper le commandement allemand sur le lieu exact du débarquement allié en France) et l’opération soviétique Sida (apparition dans un journal indien prosoviétique d’une fausse nouvelle annonçant que les Américains avaient mis au point un virus destiné à éliminer la race noire de la planète). Le secteur controversé de l’intelligence économique est également abordé dans les sujets touchant au fameux cabinet américain d’investigation économique Kroll, aux résultats spectaculaires de l’Organisation japonaise du commerce extérieur Jetro (Japan External Trade Organization), à la nébuleuse agence israélienne d’espionnage industriel Lishka, au réseau Sivam de surveillance aérienne et de télécommunications, ainsi qu’à l’ambitieux programme de guerre économique Safe Haven conduit par les États-Unis.
Dans le chapitre des faits marquants, le lecteur trouvera également des informations précises sur certaines affaires qui ont défrayé l’actualité. Parmi celles-ci : la BCCI (Banque de crédit et de commerce international qui a servi de plaque tournante pour de nombreux mouvements de fonds d’organisations secrètes), l’enlèvement d’Eichmann par les services secrets israéliens, l’expulsion de France des 47 agents soviétiques, l’opération Coup de tonnerre (libération d’otages à l’aéroport ougandais d’Entebbe par les commandos israéliens), la destruction d’un avion civil de la Korean Airlines par la chasse soviétique, le désastre de l’opération 40 (échec du débarquement d’unités anticastristes dans la baie des Cochons), l’opération Oxygène (Rainbow Warrior), l’affaire Sowan (agent du Mossad arrêté à Londres)…
Pour narrer cette histoire mondiale de l’espionnage et du contre-espionnage, les auteurs ont utilisé des sources ouvertes (pièces officielles, récits, témoignages) qui restent accessibles au public. En publiant cet ouvrage très complet mais qui ne prétend pas être exhaustif, les deux spécialistes français ont aussi brisé un tabou : pendant très longtemps, la plupart des livres consacrés à cette matière fertile en rebondissements et en découvertes scientifiques ont fait la part belle aux États-Unis, à la Grande-Bretagne, voire à l’ex-URSS. Dans leur recueil, Geoffroy d’Aumale et Jean-Pierre Faure donnent une ampleur plus grande au monde du renseignement en étendant le sujet à de nombreux autres pays. ♦