Atlas du millénaire – La mort des empires, 1900-2015
Voici, en 78 cartes et un peu plus de 200 pages, un survol de l’histoire du monde au XXe siècle. Qu’il se soit passé plus de bouleversements en ce siècle-là que dans plusieurs des précédents, on le sait ; mais voir concrétisé ce savoir abstrait sur des cartes intelligemment et joliment dessinées est, souvent, comme une découverte. C’est en 1983 qu’avec leur Atlas stratégique, publié chez Fayard, Chaliand et Rageau ont commencé à nous faire regarder le monde à partir d’observatoires inattendus. Pour qui n’y avait point songé, c’est une grande surprise que de voir midi à la porte des autres. Avec ce neuvième atlas – car l’entreprise a fait florès –, les auteurs persistent, ayant choisi de nous confronter aux « perceptions variées et souvent contradictoires de cultures et de civilisations extra-occidentales ».
Le fil directeur est annoncé en sous-titre : la mort des empires. Il y en eut beaucoup en ce siècle et presque tous sont morts : le britannique, ceinturant la planète dès 1900, le français, massivement africain mais aussi extrême-oriental, l’austro-hongrois et l’ottoman, vite disparus, l’allemand, deux fois tué, le russe, tsariste ou communiste, le nippon, orgueilleux et éphémère vainqueur du « péril blanc ». Subsiste l’américain ; mais, quoi qu’on en dise, cet empire-là existe-t-il ?
Pour que le survol soit complet, il faut bien lâcher parfois le fil directeur. Ainsi visiterons-nous l’Europe en mutation, la démographie et les migrations, les guerres et les conflits, et terminerons-nous le périple par le monde d’aujourd’hui. Parvenus à ce terme, les auteurs se démarquent des inquiétudes actuelles : « À l’optimisme du début du siècle succède, en Europe, un pessimisme très supérieur aux difficultés concrètes rencontrées par nos sociétés ». Il se peut que la sérénité de Gérard Chaliand tienne au parti pris du stratège qui juge les faits, non les idées. Il nous a semblé qu’il n’accordait pas à l’idéologie communiste la place qui lui revient dans les horreurs du siècle. Peut-être minimise-t-il aussi, et à l’inverse, la crise dans laquelle s’enfonce l’Occident… « qui sait tout et qui ne sait rien ».
Relevons enfin une délicate attention des auteurs : ils ont dédié leur ouvrage à la mémoire du général Georges Buis, récemment disparu. ♦