La Jordanie
On trouvera dans ce petit livre toute l’information que l’on attend des « Que sais-je ? » : le pays et ses gens, son histoire, ses institutions, son économie, sa place dans le monde agité où il est placé. L’intérêt est au-delà. À la qualité de la réflexion politique de Louis-Jean Duclos, qui est grande, s’ajoutent, hélas ! les circonstances qui accompagnent la parution. Un mois après que l’ouvrage est sorti des Presses, s’éteignait le « petit roi ». Deux chapitres retiendront particulièrement l’attention, l’un présentant la dynastie, l’autre la politique étrangère.
On se rappellera la naissance de ce curieux « bébé ». La Transjordanie, créée à l’issue de la Première Guerre mondiale lorsque les Anglais (et les Français) ont dessiné le Proche-Orient libéré de la tutelle ottomane, répondait à une triple vocation, exprimée ou non : satisfaire la famille hachémite frustrée des promesses de Lawrence, puis chassée de La Mecque par les Saoudiens ; servir d’État tampon tous azimuts, entre Syrie, Irak, Arabie Saoudite et bientôt Israël ; constituer l’arrière-pays de la Palestine, refuge possible des Palestiniens arabes.
Trois souverains s’y succéderont : Abdallah le fondateur (1921-1951), assassiné sous les yeux de son petit-fils ; Talal, roi éphémère, infortuné et excellent, abdiquant après moins de deux ans de règne ; Hussein enfin, 1953… Suit, dans le livre, un blanc pathétique, que la mort vient de noircir, en ce mois de février 1999. À Hussein de Jordanie, les épreuves n’auront pas manqué, ni le courage. Il fera face à la hargne de Nasser et des Syriens, aux tentatives d’attentat, au massacre des cousins de Bagdad, à la tragique guerre des Six-Jours, aux trublions palestiniens et au drame de septembre noir (1970), à la guerre du Golfe.
La Jordanie, et on ne voit pas que les choses puissent changer, est contrainte à un périlleux équilibre entre l’Occident, dont le soutien est vital, et les Arabes voisins, pour qui les grands sentiments, fussent-ils suicidaires, tiennent souvent lieu de politique. De ce défi constant, la guerre de 1967 est le meilleur exemple. Mis en garde, discrètement, par Israël, Hussein s’engage néanmoins aux côtés des pays frères. Il y a perdu la Cisjordanie. Objectivement, il a eu tort. Tel n’est pas l’avis de Louis-Jean Duclos : quelque malheureuse qu’en fut la conclusion, l’entrée en guerre a permis à Hussein de sauver son trône. L’auteur en dit autant de la position prise par le roi dans la guerre du Golfe, ou de l’abandon, au profit de l’OLP, de l’option jordano-palestinienne. Sage prudence ou regrettable démission ? Le débat reste ouvert. Le prince Abdallah en hérite. Bonne chance, Votre Majesté, et bon courage ! ♦