L’auteur passe en revue le récent rapport sénatorial sur les forces nucléaires françaises et relève leur apport à la stratégie de défense du pays, leur imbrication technique dans la posture militaire française et les travaux faits pour en garantir la pérennité à l’horizon 2050.
L’avenir des forces nucléaires françaises vu par le Sénat : rendez-vous 2020
The Future of French Nuclear Forces as Seen from the Senate: Meeting 2020
Laurcur reviews the recent senate discussion on French nuclear forces and raises their support for the strategic defense of the country, the technical interconnectedness with the French military position, and the work accomplished to guarantee the permanence of the 2020 horizon.
C’est au Sénat et à sa Commission des affaires étrangères et de la défense que revient l’initiative d’une réflexion exhaustive sur l’avenir des forces nucléaires françaises. Parue le 12 juillet dernier, pilotée par les sénateurs Didier Boulaud et Xavier Pintat *, cette analyse aborde toutes les facettes du dossier : montant des investissements consentis (dont 3,4 milliards d’euros en 2012), l’apport de la force de frappe à la défense vue dans la globalité de ses missions (de la défense des intérêts vitaux du pays à l’équipement des forces conventionnelles) ou encore sa contribution à notre « politique du rang ». Les Sénateurs abordent également de nouveaux éléments, tels que le programme de simulation présenté à cette occasion avec beaucoup de détails budgétaires, les emplois industriels engendrés par les programmes de la dissuasion, mais aussi les réponses à donner à la prolifération, à la course aux armements et aux projets antimissiles (DAMB).
La lecture de ce très riche rapport va se concentrer ci-dessous sur trois points : le service rendu à notre stratégie de défense, les premières ébauches visant le renouvellement de la force de frappe et le continuum forces nucléaires-forces conventionnelles.
Consolider la stratégie française de dissuasion
Les Sénateurs ont pris le parti de réfléchir à la place de la dissuasion dans notre défense. D’emblée, ils posent le postulat à la base de toute réflexion sur l’arme nucléaire, celle qui associe stratégie et technologie : « Il est important, en matière de dissuasion, de bien distinguer l’arme de la stratégie : la dissuasion est une stratégie ; l’arme nucléaire est l’arme qui garantit cette stratégie ». Et cette stratégie de dissuasion repose sur les effets épouvantables de l’arme nucléaire, enlevant toute rationalité à la décision de faire la guerre. Cette stratégie peut être soutenue par les images des villes d’Hiroshima et de Nagasaki à l’issue des raids aériens d’août 1945, et du nombre instantané de victimes civiles et militaires. Autre paramètre intangible de notre stratégie mis en avant dans le rapport, celui d’un alliage intime entre une volonté politique et une capacité technique : la dissuasion nucléaire est réellement crédible lorsqu’elle repose à la fois sur une capacité militaire avérée et une intention politique indubitable. Les conséquences d’un conflit sont dès lors inacceptables pour tout dirigeant rationnel. Cette pédagogie sénatoriale s’inspire des réflexions des philosophes, notamment de Raymond Aron. Elle nous renvoie aussi aux écrits des scientifiques, comme Maurice Nahmias, des stratèges comme le général Ailleret – lorsqu’il souligne le rapport coût-efficacité d’une force atomique – et bien sûr, des politiques, du général de Gaulle à François Hollande. Ce qui fut relevé durant la guerre froide reste donc valable aujourd’hui : la paix est garantie par la terreur totale qu’inspirent les effets de l’atome et cela concerne bien évidemment la France.
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