Les guerres locales au XXe siècle
L’ouvrage s’annonce modestement comme un « aide-mémoire ». Mémoire sélective, qui laisse volontairement de côté les « points culminants » qu’occupèrent les deux guerres mondiales, pour se concentrer sur les innombrables conflits plus ou moins secondaires qui, sans atteindre la renommée des affrontements de Verdun ou de Stalingrad, ensanglantèrent un peu partout notre siècle et tendirent à transformer ces « accidents de l’histoire » en institution quasi permanente.
Les treize chapitres, dont le style concis est digne d’un genre « Collet-Isaac » rappelant de vieux souvenirs scolaires, couvrent, d’un tournant de siècle au suivant, trois fois plus de guerres, des Boers à la Bosnie, dont bon nombre, dans la seconde moitié de la période, furent en quelque sorte les épisodes limités, « par États interposés », d’une rivalité qui ne dégénéra finalement pas en Troisième Guerre mondiale. On y voit figurer aussi bien des luttes oubliées, comme celle du Chaco, que Sarajevo et Gaza qui occupent encore quotidiennement les colonnes de nos gazettes. On imagine l’effort à déployer pour faire tenir tant de bruit et de fureur dans le volume restreint d’un « Que sais-je ? ». Aussi serait-il facile, et à coup sûr injuste, de dénoncer des lacunes ou de crier au raccourci : le texte sur la guerre d’Indochine s’abstient de citer de Lattre et celle d’Algérie est décrite de façon pour le moins expéditive comme « une guerre civile entre deux communautés, européenne et musulmane ». L’absence d’illustration cartographique est gênante, mais l’auteur a sans doute voulu, après le bref rappel des opérations militaires, insister surtout sur les « bilans » et « enseignements » qui clôturent chaque chapitre et faire apparaître des enchaînements du modèle de ceux qui firent de la conquête éthiopienne par le Duce la revanche d’Adoua, de la guerre d’Espagne le laboratoire de mise au point des armes et procédés qui allaient bientôt dominer les années 40, ou encore des querelles jamais éteintes entre Pérou et Équateur.
André Collet a-t-il réussi, comme semble le revendiquer l’excellente introduction, au-delà d’un simple « panorama », dans son entreprise d’englober dans un ensemble présentant un minimum d’unité ces multiples combats déclenchés au cours d’un siècle où « on n’a jamais tant fait la guerre » ? Est-il parvenu à dégager des constantes à propos de tant de guerres « éparpillées et fragmentées, mais tout aussi cruelles et dévastatrices que les grands conflits mondiaux » ? Plus précisément, le titre recouvre-t-il un sujet homogène ? La réponse ne va pas de soi. La date de 1900 marque une limite commode, mais arbitraire, dans la mesure où l’ère des conflits modernes (en quelque sorte, post-napoléoniens) pourrait comprendre aussi la guerre de Sécession comme la Crimée et celles (relativement « locales ») de 1859, 1866 et 1870. À l’autre extrémité de la période traitée, le classement en quatre « aires conflictuelles » et quatre types de conflit paraît procéder d’un certain esprit de système. Ne cherchons pas à aller au-delà de ce qu’a voulu l’auteur. Le tableau est complet dans sa brièveté, le récit est prenant, et les sujets de réflexion abondent. ♦