« Une destine unique ». Mémoires 1907-1996
De l’Assistance publique de Paris à général d’armée, telle a été la destinée unique du général Joseph Katz. Au moment où l’armée de conscription est appelée à disparaître, il n’est pas inutile de rappeler le rôle qu’elle a joué dans la promotion sociale d’un très grand nombre de Français.
Le destin de Joseph Katz est exemplaire. Enfant de l’Assistance publique au début du XXe siècle, confié à des paysans incultes, il va profiter d’abord de l’enseignement primaire obligatoire, où une institutrice remarquable découvre son intelligence et le pousse rapidement vers ce qui alors était le couronnement du cycle primaire, le certificat d’études. Brillamment reçu, le jeune Katz n’en sera pas moins confiné dans des études d’horticulture pour lesquelles il n’avait pas d’aptitudes particulières. Elles lui permettront cependant de gagner la région parisienne et de s’insérer dans le monde sportif qui devait être une des grandes affaires de la vie du général Katz.
C’est le service militaire, après un intermède dans le bâtiment, qui allait donner l’occasion à Joseph Katz de reprendre des études pour lesquelles il était incontestablement doué. Ses capacités physiques ajoutées à ses dons intellectuels, l’appui qu’il rencontre chez ses supérieurs immédiats, chez l’aumônier du régiment, lui permettent d’accéder d’abord aux grades de sous-officier, puis de se présenter et d’être reçu à Saint-Maixent. Il y rencontrera des instructeurs remarquables dont le philosophe Jean Beauffret auquel le lia une longue amitié. Dès lors la carrière du sous-lieutenant Katz va se poursuivre brillamment, ses qualités militaires et intellectuelles, ses brillants services en 1940 le conduisent tout naturellement à l’École supérieure de guerre et à des commandements où il a toujours « étonné et ravi » ses supérieurs hiérarchiques.
Dans un autre ouvrage, L’honneur d’un général, l’auteur a répondu à ceux qui ont injustement dénigré et déformé sa conduite à Oran en 1962. Il en rappelle les grandes lignes dans ses mémoires. Il y a réalisé avec succès et honneur la mission confiée à un soldat, à un général républicain.
Si le général Katz a eu un destin exceptionnel, c’est qu’il a toujours su saisir, à toutes les étapes de sa vie, les chances qui se présentaient, mais c’est aussi le fruit d’une volonté et d’une intelligence exceptionnelles, d’une finesse remarquable, qui lui a permis de distinguer les meilleurs d’entre les hommes parmi ceux que le destin lui a donné l’occasion de côtoyer, quels que soient leurs origines ou leurs milieux sociaux ; c’est enfin grâce à une culture acquise au cours des ans, peu commune dans notre armée, tout aussi militaire, de Guibert à Clausewitz, que classique, de Saint-Simon à Genet, et qu’artistique, qui le distingue parmi ses contemporains.
Il est souhaitable que l’exemple donné par la vie du général Katz soit médité ; celle-ci montre que chacun peut construire son destin et rappelle le rôle qu’a eu l’armée de conscription dans la société française au XXe siècle. Il ne faudrait pas que la nouvelle armée de professionnels qui va naître oublie cette fonction de promotion sociale qui faisait que, depuis l’an II, tout soldat avait un bâton de maréchal dans sa giberne. ♦