Editorial
Éditorial
Nous vivons décidément des temps nouveaux où les fragiles régulateurs de la guerre froide se déplacent vers des points d'équilibre précaires, bien en peine de produire les effets de stabilité et de sécurité qu'attendent des opinions publiques avides de prospérité et inquiètes des tensions et incertitudes produites par une dérégulation socio-économique générale. L'été, chargé de convulsions tragiques, notamment en Égypte et en Syrie, l'a rappelé à tous. En France et en Afrique, plusieurs dilemmes structurels le soulignent.
Entre défense et sécurité, le curseur reste indécis et la Gendarmerie nationale, l'un des maillons forts de la résilience du pays, doit garantir le lien permanent entre protection, sécurité et justice. Peut-elle suffire à la nécessaire empreinte militaire sur le territoire national pour rassurer la population française ? Une cartographie de la sécurité du territoire prenant bien en compte les bases de défense y pourvoirait sans doute mieux. Entre contrôle politique et direction stratégique de la « mission Défense » de l'État, les fonctions du Parlement et de l'exécutif – du Premier ministre au ministre de la Défense – s'insèrent dans la pratique de la Ve République qui liait naguère les responsabilités du chef d'État, chef des armées, et celles du chef d'état-major des armées pour le commandement opérationnel des forces. Les réformes en cours pourraient se prolonger vers un vrai Conseil de sécurité, à l'expertise pérenne, chargé de réguler la posture de défense et de sécurité du pays. Entre effort pour doter la nécessaire capacité opérationnelle de réaction aux crises et entretien résolu des outils de souveraineté scientifique et industrielle, le budget de la défense et la loi de programmation hésitent avec des marges de manœuvre réduites par la crise financière et l'impératif européen. La dialectique LBDSN-LPM (Livre blanc-Loi de programmation militaire) reste-elle pertinente ? Une autre donne pourrait exonérer la « mission Défense » des tâches de compétitivité industrielle, d'exportation d'armement et d'aménagement du territoire. Entre Alliance atlantique et Union européenne, nos contrats stratégiques peinent à s'imbriquer et, alors que le moment afghan s'estompe, l'Europe de la défense piétine. Ne faudrait-il pas mieux valider la solution intérimaire d'une Europe militaire minimale, plus territoriale qu'expéditionnaire, plus géopolitique que fonctionnelle ? Entre multilatéralisme efficace orchestré dans le cadre parfois désuet mais irremplaçable de l'ONU et actions directes de coalitions d'intérêts et d'émotions, le monde a semblé hésiter sur la réponse à donner à d'inacceptables massacres terroristes chimiques perpétrés en Syrie. La manœuvre générale qui en résulte a bouleversé l'échiquier stratégique mondial et restauré un dialogue russo-américain central. Faut-il s'en féliciter ? Entre le temps d’Harmattan ou Serval, interventions extérieures d'urgence, et la prise en charge de la sécurité de l'Afrique par les Africains, n'y a-t-il pas celui de la consolidation des États, de la montée en puissance des sous-régions et de la validation d'une architecture viable de paix et de sécurité pour l'Union africaine ?
La recomposition générale d'un secteur de défense hérité de la guerre froide se poursuit. Elle durera encore longtemps en France, en Europe, en Afrique et dans le monde.