L’auteur procède à une analyse comparée des trois interventions françaises dans les conflits interafricains de Côte d'Ivoire, de Libye et du Mali et évalue leurs conséquences sur la stabilité régionale.
Interventions militaires françaises : Mali, Côte d'Ivoire, Libye
French Military Interventions: Mali, Ivory Coast, Libya
The author proceeds with a comparative analysis of three French military interventions- in the inter-african conflicts of the Ivory Coast, in Libya, and in Mali- and evaluates their consequences on regional stability.
Spécificités des trois conflits
La France est intervenue militairement depuis 2010 en Côte d’Ivoire, en Libye et au Mali. Les origines de ces trois conflits africains ont certains points communs : faible légitimité politique des autorités, scission territoriale, oppositions historiques de communautés différentes sur un territoire national de création récente avec une dimension nord-sud en Côte d’Ivoire et au Mali, et est-ouest en Libye. Il y a comme dans tous les nouveaux conflits, enchevêtrement de facteurs (économiques, sociaux, civilisationnels, politiques, géopolitiques), emboîtement d’échelle allant du local au mondial en passant par le national et le régional et pluralité d’acteurs publics et privés (milices, armées, mercenaires, sectes, mafieux) (1).
En même temps, les trois conflits ont chacun leurs spécificités. La crise ivoirienne s’inscrit dans un long processus de division historique entre le Nord et le Sud, de transfert à la France d’une partie des fonctions régaliennes notamment militaires au moment des indépendances, de stagnation économique dès la fin des années 1980, de mise en place des mesures d’ivoirité (loi foncière de 1998), d’exacerbation d’une division Nord/Sud. La crise de Libye s’inscrit dans la mouvance des « Printemps arabes », de la remise en cause d’un régime dictatorial fondé sur une base tribale n’ayant jamais mis en place une administration territoriale ou des corps intermédiaires. La crise malienne trouve ses sources à la fois dans des revendications anciennes des Touareg renforcées par le retour des mercenaires de Kadhafi, dans l’extension du salafisme radical et dans l’insertion du pays dans une économie criminelle avec connivence au sein de l’appareil d’État et de l’armée à l’époque du président Amadou Toumani Touré (ATT). Au-delà de la façade démocratique, de nombreuses fissures existaient par la conjonction des vulnérabilités propres aux sociétés sahéliennes, au développement des divers trafics à commencer par la drogue et de l’arrivée des salafistes d’AQMI refoulés d’Algérie. Le putsch de mars 2012 a sanctionné à la fois les dérives politiques et militaires et affaibli le pouvoir politique et l’armée. Le Mali est devenu l’épicentre d’une crise qui pouvait se propager dans l’arc sahélo-saharien.
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